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blique d’avoir détourné une somme de 25 millions de réaux, M. Salamanca s’est trouvé mal, et s’est excusé le lendemain de ne pouvoir assister à la discussion. La prise en considération de la proposition a été adoptée par une forte majorité. C’est, dit-on, contrairement aux désirs du général Narvaez que toute cette affaire a été soulevée, et le ministère a résolu de ne point y prendre part. On croit même que l’accusation ne sera pas poussée plus loin.

Des bruits alarmans, mais très exagérés, ont été répandus sur la santé de la reine Isabelle, et ont donné lieu, de la part des journaux anglais, à une recrudescence de controverse sur la question de succession. Nous ne voyons pas de raison de les suivre dans ce débat que rien jusqu’à présent ne justifie.

La querelle tant soit peu puérile qui menaçait depuis une année le repos, de l’Orient est enfin terminée, et les relations de la Porte avec la Grèce vont être reprises. Le cabinet grec a remis à M. Persiani, le représentant de la Russie à Athènes, une lettre pour le ministre des affaires étrangères de la Porte. Dans cette lettre, le gouvernement hellénique exprime à l’envoyé du sultan, M. Mussurus, son regret du malentendu du 21 janvier 1847, et lui donne l’assurance qu’il sera reçu à Athènes avec les égards dus au représentant d’une puissance alliée. La Porte, de son côté, a adressé aux grandes puissances un memorandum dans lequel elle se déclare satisfaite de la démarche du gouvernement grec, et toute l’affaire se trouve ainsi terminée. Ce n’était pas la peine de faire tant de bruit.

Nous voudrions que la Grèce pût résoudre aussi facilement ses questions intérieures que ses petits embarras extérieurs ; malheureusement la tâche n’est pas aussi aisée, et le jeune royaume hellénique parait avoir une certaine peine à s’habituer au régime constitutionnel. La dernière insurrection de Patras a montré combien le gouvernement central avait peu de prise sur les provinces. Pendant quatre jours, la ville est restée au pouvoir de quelques régimens révoltés. Les autorités légales s’étant absentées, les consuls étrangers se sont faits les intermédiaires d’une capitulation avec les insurgés ; pendant ce temps, le préfet ou nomarque, qui était allé prendre l’air, a rassemblé des troupes et est rentré en ville ; les insurgés se sont réfugiés à bord d’un bâtiment anglais, en sauvant la caisse comme le Sonderbund. Nous avons déjà dit et nous répétons qu’il vaudrait beaucoup mieux pour la Grèce que les gouverne mens européens ne la prissent pas pour terrain de leurs rivalités. Au lieu d’avoir un parti français et un parti anglais, la Grèce ferait mieux d’avoir tout simplement un parti grec. Si le gouvernement hellénique traite aussi lestement qu’il l’a fait dans ces derniers temps le régime constitutionnel, il n’en aura pas pour bien long-temps. Ainsi, pour faire capituler l’opposition du sénat, il n’a rien trouvé de mieux que de créer d’un seul coup de filet trente-cinq nouveaux sénateurs ; c’est une manière assez commode de se procurer une majorité, mais ce sont de ces expériences hasardeuses auxquelles il ne faut pas soumettre les institutions nouvelles, si on ne veut pas les faire éclater. Pendant plusieurs années, les représentans de la France et de l’Angleterre à Athènes ont été à l’état d’antagonisme direct et public ; le ministre de France, M. Piscatory, est maintenant appelé à d’autres fonctions, où son énergie et sa résolution bien connues ne seront pas superflues, si le gouvernement anglais avait à cœur l’intérêt bien entendu de la Grèce, il rappellerait lui-même un représentant qui ne pourra laisser dans ce pays que de regrettables souvenirs, et les deux grandes puissances constitution-