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qu’il ne les avait soumises. Mais, d’un autre côté, Mateo Fernandez, chancelier du sceau privé, et quelques autres, confidens comme lui des plus secrètes pensées de leur maître, remontraient qu’il était dangereux d’exposer la personne du roi, par un coup de désespoir, aux dangers d’une trahison nouvelle. A les entendre, les dispositions de la Galice étaient incertaines, et l’on parviendrait difficilement à conduire hors de leur pays les montagnards armés par don Fernand. Le plus sûr moyen de s’assurer la victoire, c’était d’obtenir l’appui du prince de Galles et de presser l’exécution du traité d’alliance offensive et défensive conclu deux années auparavant. Le caractère loyal et les sentimens chevaleresques du prince ne permettaient pas de douter qu’il ne s’empressât de voler au secours de son allié. Avec l’épée du plus grand capitaine de son siècle, le roi rentrerait dans son royaume et disperserait en un instant tous ses ennemis. Tels furent les conseils de Fernandez, telles étaient probablement les intentions de don Pèdre. A sa méfiance naturelle, au découragement, suite inévitable de ses revers, se joignaient de vives inquiétudes pour la sûreté de ses trois filles, compagnes de sa fuite. Il ne se sentait plus le courage de braver de nouveaux dangers avec elles. La réponse qu’il reçut du roi de Navarre acheva de le décider. Charles-le-Mauvais hésitait encore entre les deux frères ; mais, à travers les promesses vagues qu’il faisait au roi vaincu, il était facile de voir qu’il allait se déclarer pour le vainqueur.

La Navarre demeurant neutre, ou plutôt suspecte de partialité pour don Henri, c’eût été le comble de l’imprudence que de s’appuyer à ses frontières pour recommencer les hostilités dans le nord de la Castille. Il fut résolu que le roi s’embarquerait à la Corogne et qu’il se rendrait auprès du prince de Galles, à Bordeaux. Pendant qu’il négocierait pour l’entrée d’une armée anglaise en Espagne, don Fernand de Castro, avec le titre d’adelantade des royaumes de Galice et de Léon, devait réchauffer le zèle des provinces du nord et soutenir la guerre contre l’usurpateur. Avant de s’éloigner, le roi récompensa sa fidélité en lui donnant le titre de comte de Lemos.

Quittant Monterey après un séjour de trois semaines, don Pèdre se dirigea vers Saint-Jacques de Compostelle. Les fêtes de la Saint-Jean y attiraient en ce moment une foule de pèlerins de toutes les parties de la Péninsule, et c’était le lieu le plus propre pour y recueillir des renseignemens exacts sur l’état des esprits et la situation des différentes provinces. L’archevêque de Saint-Jacques, don Suero, natif de Tolède et apparenté aux plus illustres familles de cette ville, vint au-devant de don Pèdre avec une suite de deux cents cavaliers. Il fut reçu froidement. Il est vrai qu’il semblait se présenter à contre-cœur, et la sincérité de ses offres pouvait d’autant plus facilement être mise en doute,