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Ils demandent qu’on leur livre le château de Castel Favib, qui, conformément aux conventions de Murviedro, avait été remis en dépôt à un gouverneur navarrais, qui l’occupait au nom de son maître, arbitre et garant du traité. Soit que les Castillans ne fussent pas dupes de la feinte surprise de l’infant don Louis, soit qu’habitués par leur maître à ne rien ménager, ils soupçonnassent le gouverneur d’intelligence avec l’Aragonais, parce qu’il refusait de leur ouvrir ses portes, le château est investi, et, après une vigoureuse résistance, la garnison navarraise et les Aragonais qui la soutenaient sont passés au fil de l’épée[1].

De toutes parts les hostilités recommencent. Don Pèdre, quittant Séville au premier bruit de guerre, accourt sur la frontière de Murcie, et, trouvant déjà ses troupes réunies, il se jette dans le royaume de Valence ; en quelques jours il emporte Elche, Alicante et plusieurs autres places qui avaient fait autrefois partie de l’apanage de l’infant don Fernand. Il éclatait en plaintes contre la mauvaise foi de ses ennemis, et jurait d’en tirer une vengeance exemplaire. Les apparences étaient en sa faveur, et cette fois il semblait repousser une provocation déloyale. Soit qu’il ne connût pas encore les nouveaux engagemens du roi de Navarre, soit qu’il méprisât trop ce prince pour le craindre, il tourna ses efforts vers le sud, et il annonçait le dessein de marcher sur Valence dès que sa flotte serait en état de faire une diversion puissante sur la côte[2].

Cette brusque invasion, les progrès irrésistibles des Castillans, en augmentant les alarmes du roi d’Aragon, servaient puissamment les projets ambitieux de don Henri. Plus le péril était pressant, plus il sentait grandir son rôle. Général d’une armée déjà nombreuse, reconnu par les émigrés comme prétendant à la couronne de Castille, il exigeait maintenant que le roi d’Aragon l’avouât hautement comme tel. Il paraît qu’un certain découragement régnait alors parmi les bannis castillans. Soit défiance dans le succès, soit regret de la mort de l’infant, leur ancien chef, beaucoup d’entre eux parlaient de passer en France, d’y prendre du service et de mener la vie d’aventure dans un pays où tant d’étrangers avaient trouvé la fortune. Don Henri entretenait ces dispositions, et se vantait assez publiquement de la faveur dont il jouissait auprès de la cour de France et des offres magnifiques qu’il en avait reçues. Annoncer le désir ou l’intention de repasser les Pyrénées, était un sûr moyen de faire payer plus chèrement ses services au roi d’Aragon, qui voyait l’ennemi au cœur de son royaume.

Le 10 octobre 1363, un nouveau traité fut signé à Benifar, entre le roi d’Aragon et don Henri, pour confirmer et pour expliquer les courtes

  1. Zurita, t. II, p. 325.
  2. Ayala, p. 380. — Zurita, t. II, p. 325.