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une naissance illustre[1], et l’on remarquera qu’aucun n’est précédé du mot doña, qui cependant, à cette époque, s’accordait par courtoisie à des femmes dont les pères ou les maris n’avaient point le privilège du don.

Le roi recommande à sa fille et à ses successeurs de maintenir dans leurs offices tous ses loyaux serviteurs, et, en termes exprès, il nomme Diego de Padilla, son beau-frère, les maîtres de Saint-Jacques et d’Alcantara, le prieur de Saint-Jean Garci Gomez Carrillo[2], Martin Lopez, son chambellan, Martin Yanez, son trésorier, Mateo Fernandez, chancelier du sceau privé, Rui Gonzalez, son grand-écuyer, enfin Zorzo, capitaine des arbalétriers de sa garde, qui avait battu une escadre aragonaise.

La question de la tutelle de ses enfans était assurément la plus grave que le roi eût à résoudre. On aurait dû croire que son choix tomberait sur Diego de Padilla, oncle de ses filles, et plus intéressé qu’aucun autre à la conservation de leurs droits. Cependant c’est le maître de Saint-Jacques, Garci Alvarez, que le roi appelle à ces importantes fonctions, et, à son défaut, Garci Carrillo, prieur de Saint-Jean, bien qu’il fût allié à une famille en hostilité ouverte contre lui. Malgré la faveur constante dont il jouissait auprès de son maître, Diego de Padilla n’avait jamais possédé sa confiance. J’en ai rappelé plusieurs preuves[3].

J’ai cru devoir analyser en détail ce document remarquable, car mon but n’est pas seulement de faire connaître les événemens arrivés sous le règne de don Pèdre, mais encore d’étudier le caractère de ce prince si diversement jugé. Son testament peut être regardé comme l’expression de ses pensées intimes, et, à ce titre, méritait, ce me semble, d’être examiné avec un soin particulier. Le despote s’y révèle à chaque ligne, mais il a sa grandeur.

Don Pèdre ne crut point qu’un testament suffît pour assurer la couronne à l’aînée de ses filles. Il voulut consacrer ses droits par un acte encore plus solennel et demanda aux représentans de la nation, pour l’infante Beatriz, le serment qu’ils avaient prêté, l’année précédente, à son frère don Alphonse. Contre l’usage, il convoqua les cortès en dehors des frontières de la Castille, à Bubierca, ville aragonaise dont il venait de s’emparer. En réunissant l’assemblée au milieu d’un camp, sur une terre conquise par ses armes, peut-être voulait-il montrer que les limites du royaume avaient reculé et qu’il régnait partout où il avait planté sa bannière. Ce ne fut pas la seule innovation que l’on vit dans ces cortès dont les actes sont malheureusement peu connus. L’infante

  1. Mari au lieu de Maria, Alfon au lieu de Aldonza.
  2. V. § XII. — V.
  3. Testamento del rey don Pedro. Cronica de Ayala. Ed. Llaguno, p. 558 et suivantes.