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Alonso de Mayorga, chancelier du sceau privé, et Juan Perez de Orduña, son chapelain.

On sait que le premier de ces témoins était mort, mais les trois autres, présens à la séance, étendirent la main sur les Évangiles et attestèrent que le roi disait la vérité. La légitimation des enfans de Marie de Padilla était la conséquence naturelle de cette révélation. Don Pèdre présenta aux cortès son fils Alonso, âgé de deux ans, le déclara l’héritier de sa couronne, et ordonna qu’en cette qualité il reçût les sermens des riches-hommes et des procurateurs des villes. Il y avait déjà quelque temps que l’on avait appris à obéir en Castille ; aucune réclamation ne s’éleva, et la cérémonie de la prestation de serment eut lieu dans la forme et avec la pompe accoutumées. Puis un nombreux cortége de dames et de chevaliers alla chercher le corps de Marie de Padilla dans le monastère d’Astudillo[1], où il reposait, et le transporta, avec le cérémonial usité aux funérailles des reines, dans la chapelle des Rois de l’église Sainte-Marie à Séville. Je ne dois point oublier que l’archevêque de Tolède, primat du royaume, prêcha dans cette occasion devant toute la cour et fit l’apologie de la conduite du roi[2]. Successeur de Vasco Gutierrez, mort en exil, le nouvel archevêque était bon courtisan. Les temps étaient bien changés. Cette fière noblesse qui, dix ans auparavant, prétendait régenter son souverain et contrôler jusqu’aux actes de sa vie privée, maintenant décimée par le glaive, courbait la tête sous le joug et ne pensait qu’à désarmer son inflexible vainqueur par la servilité de son obéissance.

Il n’est pas facile d’apprécier aujourd’hui la validité de la déclaration faite par don Pèdre dans les cortès de Séville. D’un côté, le serment des témoins a pu être dicté par l’intérêt ou par la crainte, et le roi, qui avait trouvé deux évêques pour bénir son union adultère avec Juana de Castro, ne manquait pas de flatteurs ou de courtisans prêts à se parjurer pour lui plaire. On peut s’étonner encore qu’il ait attendu la mort de Blanche, et même celle de Marie de Padilla, pour un aveu que la favorite et ses parens avaient tant d’intérêt à solliciter, et que la soumission du royaume avait cessé de rendre dangereux. Enfin, cet acte remarquable venant après la fameuse réhabilitation d’Inès de Castro, faite l’année précédente par le roi de Portugal, pourra paraître inspiré par un désir d’imitation assez naturel. Un despote ne fait point un coup d’autorité dans ses états, qu’il ne donne envie à un autre despote de tenter la pareille. Tels sont, en résumé, les motifs qui peuvent rendre suspecte la réalité du mariage de don Pèdre avec Marie de Padilla. Il est juste d’y opposer d’autres présomptions assez spécieuses. Un testament

  1. Zuñiga. Anal. eccl. de Sev. t. II, p. 162.
  2. Ayala, p. 350.