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La présence autant que les paroles du roi était donc cette année une garantie nouvelle du maintien de la paix ; de la paix extérieure que de récens événemens avaient paru menacer, et de la paix intérieure compromise par des agitations insensées. Le dernier paragraphe du discours de la couronne a posé de la manière la plus nette les questions soulevées depuis six mois dans les banquets réformistes. Le ministère a relevé publiquement le gant qui lui avait été jeté. Qu’il l’ait fait sous une forme tant soit peu agressive, nous ne lui en ferons pas un reproche ; nous trouvons au contraire merveilleux ceux qui accusent le gouvernement d’avoir fait du roi un chef de parti, comme si le roi n’avait pas, après tout, le droit d’être le chef de son parti. Si la question est ainsi posée, à qui la faute, sinon à ceux qui dans les banquets ont élevé ou laissé s’élever des partis contre celui du roi et de la constitution ? Depuis six mois, nous voyons des caricatures de montagnards rétablir les autels de Robespierre et de Marat, et y sacrifier les lois en attendant qu’ils puissent y sacrifier autre chose, et le gouvernement n’aurait pas le droit de dire que la royauté a des ennemis ! Depuis six mois, les chefs de l’opposition dynastique laissent impunément traîner la dynastie et la charte dans la boue républicaine, et dissimulent honteusement leur drapeau devant celui des ennemis de la constitution, et il ne serait pas permis de leur dire qu’ils sont aveugles ! En vérité, la gauche entend singulièrement la discussion ! Voulait-elle donc qu’après toutes les gracieusetés qu’elle leur a débitées après boire, M. Guizot et M. Duchâtel se contentassent de la remercier ? Ces ministres sont réellement bien méchans de se défendre quand on les attaque ! Sérieusement, tout ce grand scandale affiché par l’opposition lui fait peu d’honneur ; il ferait croire qu’elle n’avait de courage pour injurier les ministres et la majorité que lorsqu’ils n’étaient pas là pour lui répondre. Si elle a tant de griefs sur le cœur, elle doit se féliciter d’avoir une occasion de les dire ; cette occasion lui est offerte.

Les premières opérations de la chambre des députés ont montré la majorité aussi unie, aussi compacte qu’elle l’a jamais été. Il n’y avait point eu de doutes sérieux sur l’issue de l’élection du président, malgré les diversions qui avaient été tentées. L’opposition avait pourtant montré une abnégation édifiante, et elle s’était déclarée prête à accepter tous les candidats possibles ; en désespoir de cause, elle est retournée à M. Barrot. Le schisme qu’on n’avait pu établir sur la question de la présidence, on a cherché à le transporter sur celle des vice-présidences. En choisissant un nom qui appartenait depuis long-temps au parti conservateur, celui de M. Lacave-Laplagne, on espérait partager la majorité. Cette tactique n’a pas mieux réussi, et les quatre vice-présidens portés par les conservateurs et par le ministère ont passé au premier tour de scrutin. L’opposition en appelle maintenant du scrutin à la discussion ; l’on s’attend à des débats prolongés et très orageux sur l’adresse.

Quand cette crise d’éloquence sera passée, quand cette éruption périodique sera arrivée à son terme, les chambres trouveront ample matière à travail dans les différens projets de lois annoncés par le ministère. Les réformes que nous avions signalées comme devant être introduites dans l’impôt sur le sel et dans la taxe des lettres sont au premier rang dans le programme de la session, avec des projets de loi sur l’instruction publique, sur les prisons, sur les tarifs de douanes, sur les caisses d’épargne, sur le régime hypothécaire.