La session des chambres a été ouverte mardi. La présence du roi a dissipé tous les bruits qui avaient été répandus en France et ailleurs sur l’état de sa santé. On est toujours saisi d’un respect profond à la vue de cet auguste et infatigable travailleur qui porte si vaillamment non-seulement le poids des années, mais celui de la politique. Pour juger de la place immense que le roi Louis-Philippe occupe dans les affaires humaines, il suffit de voir l’effet produit sur toutes les places de l’Europe par le simple bruit de l’altération de ses forces. Que le roi passe seulement pour malade, qu’on sache qu’il a déjeuné dans sa chambre à coucher, c’est assez pour donner des soubresauts à la Bourse et faire frissonner tous les écus de la terre. Il y a cependant des limites auxquelles la panique réelle ou factice de la spéculation nous paraît atteindre la niaiserie. Ainsi, il est facile de comprendre que les fonds baissent sur le bruit de la mort ou même d’une indisposition du roi : ce sont là des hypothèses naturelles, basées sur des chances qui sont dans l’ordre des événemens nécessaires ; la garde qui veille aux barrières du Louvre ne défend les rois ni de la grippe ni des lois de la nature ; mais ce que nous ne comprendrons jamais, c’est que les fonds puissent se laisser influencer par des bruits aussi singuliers que la nouvelle de l’abdication du roi Louis-Philippe, parce qu’enfin ce sont là de ces impossibilités radicales auxquelles on ne peut ajouter foi qu’en vertu de la maxime : Credo quia absurdum. Si quelque chose avait pu donner de la consistance aux bruits répandus sur la santé du roi, c’eût été assurément la perte cruelle qu’il a éprouvée aujourd’hui même ; mais la santé de Mme Adélaïde ne courait pas les dangers qui se sont manifestés si subitement hier, et qui se sont si malheureusement réalisés.