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ces vives dispositions en faveur de la réforme électorale ; mais, je dois le dire, ce qui m’a paru être l’objet d’un vœu presque unanime, c’est la réforme parlementaire, c’est-à-dire les incompatibilités.

La réforme électorale est un mot auquel il est facile de porter un toast avec un ensemble admirable, mais sur la signification duquel les oppositions sont loin de s’entendre.

Pour les uns, l’adjonction des capacités, c’est-à-dire de la seconde liste du jury, est une mesure sans importance et sans effet politique, qui augmente le corps électoral de dix-huit mille électeurs au plus, qui a l’inconvénient de laisser en dehors beaucoup d’autres capacités qui réclameront bientôt pour elles-mêmes, et qui s’éloigne du principe fondamental de notre droit d’élection, la possession du sol.

Pour d’autres, abaisser le cens, ce serait atteindre un ordre d’électeurs moins aisés, par conséquent plus exposés aux tentatives de la corruption, plus ignorans, moins aptes à juger les candidats et les questions politiques.

Aux yeux de beaucoup de gens, l’élection au chef-lieu aurait le défaut de causer aux électeurs une lourde dépense de temps et de déplacement. Ce serait un acheminement inévitable vers les élections à l’anglaise, car ces dépenses passeraient bientôt à la charge des candidats. Ce serait aussi placer les élections entre les mains des journaux, et ne leur donner qu’un seul caractère, le caractère politique. Or, faut-il que l’élection soit exclusivement politique ? Estimer le caractère d’un homme, connaître ses antécédens, honorer sa vie privée, ne sont-ce pas d’aussi bons titres à la confiance de ses concitoyens que la recommandation d’un comité électoral ?

Quant au suffrage universel, les radicaux l’appellent de leurs voeux, mais l’opposition modérée n’en veut pas entendre parler.

Enfin, ce qui m’a paru ressortir des discours des banquets réformistes, c’est qu’aucune nuance d’opposition n’est d’accord avec une autre. Toutes s’entendent pour attaquer, toutes combinent leurs efforts pour détruire. Comme dans la foule qui se presse à la porte d’un théâtre, les plus éloignés poussent ceux qui sont devant eux pour les faire entrer, uniquement dans la pensée d’entrer eux-mêmes à leur tour. Le lendemain d’une concession, on verra les mêmes efforts, le même travail, la même lutte, et ce sera à recommencer exactement comme si rien n’avait été fait.

Pour moi, j’en ai souvent fait l’aveu : je n’aime pas les petits collèges. Ils donnent lieu à beaucoup d’abus ; ils laissent trop de part à des influences de famille, à des intrigues de coterie. La loi qui me plairait le plus serait celle de la fin de la restauration qui produisit les 221, loi qui rendait les élections suffisamment politiques, suffisamment personnelles ; et si notre gouvernement ne se trouvait pas en présence de deux