Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvemens, l’élégance des draperies, ne sauraient être surpassées. On pourrait, au nom de l’exactitude littérale, désapprouver le costume adopté par Raphaël, car les muses du Vatican ne sont pas précisément vêtues à la grecque ; mais cette critique ne serait, à nos yeux, qu’un pur enfantillage. Il y a en effet dans le costume de ces muses tant d’ampleur et de souplesse, que l’esprit charmé ne songe pas à se demander si le peintre a fidèlement respecté la mythologie. Que ces muses soient ou non vêtues à la romaine, que Raphaël ait ou non pris pour modèles les femmes de son temps, sans songer même à modifier leur ajustement, peu importe. Les muses qu’il nous a données sont des créations d’une beauté souveraine, et l’admiration réduit la mémoire au silence. En consultant les monumens de l’art antique, Raphaël n’eût certainement pas réussi à imaginer des muses d’une grace plus séduisante ; il a donc bien fait de les concevoir telles que nous les voyons. Les poètes rangés autour des Muses sont représentés avec un rare bonheur. Homère, Virgile, Horace, Ovide, Dante, Pétrarque, sont caractérisés avec une netteté qui indique chez le peintre une connaissance complète des personnages qu’il veut retracer. Le visage doux et mystique de l’amant de Laure, le visage austère de l’amant de Béatrix, s’accordent si parfaitement avec les pages immortelles où ils ont déposé le secret de leur pensée, qu’il serait difficile de se les figurer sous des traits différens. Ovide et Horace ne sont pas représentés avec moins de précision et de justesse. Dans la tête de Virgile, la mélancolie du sourire s’allie admirablement à la chasteté du regard. Quant à la tête d’Homère, il est impossible de rêver rien de plus auguste, de plus majestueux ; jamais le génie de la poésie épique n’a été représenté sous des traits plus imposans. Les yeux, qui ne voient pas, donnent à cette tête un caractère surnaturel ; le front où éclate l’inspiration, les lèvres frémissantes, les mains qui semblent interroger l’espace, tout se réunit pour frapper l’imagination. Toutes les parties de cette composition sont unies entre elles avec un art si merveilleux, qu’on ne pourrait supprimer une figure sans en altérer l’harmonie.

Les sujets qui décorent le plafond de cette salle se rattachent à la théologie, à la philosophie, à la jurisprudence, à la poésie. Le Péché originel, placé au-dessus de la Théologie, est empreint d’une grace qu’on ne saurait trop admirer. L’imagination la plus poétique ne peut rien inventer de plus beau que la première femme commettant la faute qui, selon la foi chrétienne, a perdu le genre humain. Il y a dans cette figure empreinte d’une élégance divine une richesse, une ampleur, et en même temps une souplesse qu’on trouverait difficilement réunies soit dans la nature vivante, soit dans la statuaire antique. L’Ève de Raphaël a toute la jeunesse qui inspire l’amour, toute la puissance qui appelle la maternité ; elle tient à la fois de Vénus et de Latone. Le Jugement de