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A NOS LECTEURS.





Lorsque des événemens aussi graves que ceux dont nous sommes témoins viennent changer radicalement la face d’un grand pays, lorsque des complications de plus d’un genre et non moins imprévues peuvent surgir chaque matin, on se demande naturellement quel peut être le rôle d’un recueil sérieux, d’un recueil littéraire et philosophique au milieu de débats aussi brûlans, au milieu de tant de voix confuses qui vont à chaque carrefour crier les nouvelles du moment, ou agiter les questions qu’amènent à chaque heure le flux et le reflux du flot politique. En présence d’une pareille situation, beaucoup d’esprits se laissent aller au découragement, et n’hésitent pas à dire que la discussion calme, que la pensée littéraire et philosophique ne saurait trouver sa place et son auditoire comme par le passé. Rien n’est moins fondé, à notre sens, et nous repoussons bien loin, et de toutes nos forces, ce pessimisme commode et sans courage qui n’irait à rien moins qu’à se désintéresser de tout dans le grand mouvement de la France démocratique, dans cette grande expérimentation de théories et de systèmes que les cœurs bien placés doivent éclairer, surveiller et féconder de tous leurs moyens. Or, quel lieu est plus propice, mieux disposé que celui-ci pour entreprendre, pour poursuivre une pareille tâche ? Nous ne ferons pas défaut à cette grave mission, et nous espérons que tous les esprits d’élite se réuniront pour nous seconder de leurs efforts et de leur concours. Nous élargirons, nous agrandirons notre cadre pour que chaque homme éprouvé y tienne sa place, pour que chaque talent jeune et inconnu jusqu’ici puisse s’y développer à l’aise, et cette nouvelle association intellectuelle portera d’heureux fruits, nous en avons la confiance.

Dans quel temps d’ailleurs est-il plus nécessaire que dans celui où nous entrons d’avoir un grand centre littéraire, où tous les penseurs, tous les esprits éminens du pays, les hommes d’imagination comme les hommes de discussion et de savoir, les lecteurs éclairés, amis et appuis des études sérieuses, puissent trouver un refuge contre les orages et les bruits de la vie politique ? Jamais la Revue d’Edimbouurg n’a été plus florissante que pendant les agitations de l’époque impériale et pendant l’époque non moins troublée qui vint immédiatement après. Nous continuerons donc de donner place à la critique littéraire et philosophique, en suivant d’une façon plus ferme, plus assidue encore, les travaux des écrivains français et étrangers ; nous accueillerons, comme par le passé, la poésie et le roman ; nous ouvrirons une porte plus grande à la science, à l’économie politique, aux questions sociales qui intéressent toutes les classes du pays. Nous ne négligerons rien pour améliorer, pour renouveler