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qui même sont tenues de déposer leurs comptes annuels au tribunal de commerce, pourraient désormais, lorsqu’elles seraient en instance pour se faire autoriser, ou lorsqu’elles demanderaient la révision de leurs statuts, être astreintes à un règlement analogue à celui de la compagnie d’Orléans, avec cette différence cependant, que la participation serait assurée à tous les agens, aux ouvriers comme aux employés, et sauf l’introduction de clauses nouvelles qui feraient dépendre la grandeur de la rémunération de l’efficacité des efforts de chacun et de l’étendue de ses mérites. La plupart des grandes compagnies qui sont déjà autorisées consentiraient, on n’en saurait douter, à entrer dans cette voie. La compagnie du chemin du Nord vient spontanément d’en prendre l’engagement. De proche en proche, les pouvoirs publics en avant la ferme volonté, et l’opinion les secondant, l’industrie tout entière contracterait cette habitude salutaire.

Avec ces mesures en faveur des travailleurs, il serait possible d’en combiner d’autres, qui exerceraient sur leur bien-être un effet plus immédiat peut-être et plus général quant à présent ; je vais en indiquer quelques-unes.


DE QUELQUES MESURES PROPRES A ACCELERER LE PROGRES POPULAIRE.

L’impôt est un prélèvement sur les fruits du travail. L’impôt est autant à déduire de ce que les particuliers auraient la faculté d’épargner, de ce qu’ils épargneraient probablement pour en faire du capital. Quand une nation paie un milliard d’impôt, l’on peut hardiment affirmer que, si la pompe aspirante du fisc n’eût enlevé cette somme des poches des citoyens, les sept ou les huit dixièmes eussent grossi le capital national ; les deux ou trois autres dixièmes eussent servi à satisfaire d’impérieux besoins, eussent empêché les populations de souffrir de la faim ou du froid, ou auraient augmenté la part réservée aux plaisirs. Il y a cependant une partie des taxes publiques qui sert à éclairer la nation, à l’élever dans ses sentimens, ou encore à donner au travail les facilités qui résultent de bonnes voies de communication. Cette portion du budget, soustraite au capital national, y retourne ; car l’instruction, l’éducation, les voies de transport, tout cela est du capital. On peut assimiler de même au capital la portion des dépenses publiques qui est strictement nécessaire pour l’administration d’une bonne justice, pour la gestion intelligente des intérêts politiques de la patrie, pour la sécurité des transactions et des propriétés. Mais cet immense appareil militaire dont s’entourent tous les gouvernemens, pour s’intimider les uns les autres, ou afin de comprimer les populations, — et l’on sait comme ils y réussissent, — tout ce qui sert à le constituer et à l’entretenir est