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et je ne me suis fait faute de le dire ; je ne me dissimule pas que je n’ai, au contraire, que de la bonne volonté.

M. Louis Blanc voudra bien me permettre de reprendre avec lui cette discussion interrompue par sa volonté en février 1845. Il y a urgence. Je préviens le lecteur qu’il ne doit prendre qu’en bonne part les observations que je vais présenter. J’ai toujours pensé qu’il convenait de parler à son gouvernement ou de son gouvernement sur le ton du respect ; l’intérêt même de la société l’ordonne. Examinons donc, tout respectueusement, ce système qui a eu le bonheur d’avoir M. Louis Blanc pour interprète. Pour savoir nettement en quoi il consiste, j’aurai garde de substituer une description de ma façon aux paroles de M. Louis Blanc. Je citerai son livre textuellement comme un derviche ferait du Coran. Voici donc le chapitre par lequel se termine l’Organisation du Travail. (Édition de 1848, page 102.)


« Le gouvernement serait considéré comme le régulateur suprême de la production, et investi, pour accomplir sa tâche, d’une grande force.

« Cette tache consisterait à se servir de l’arme même de la concurrence, pour faire disparaître la concurrence.

« Le gouvernement lèverait un emprunt, dont le produit serait affecté à la création d’ateliers sociaux dans les branches les plus importantes de l’industrie nationale.

« Cette création exigeant une mise de fonds considérable, le nombre des ateliers originaires serait rigoureusement circonscrit ; mais, en vertu de leur organisation même, comme on le verra plus bas, ils seraient doués d’une force d’expansion immense.

« Le gouvernement étant considéré comme le fondateur unique des ateliers sociaux, ce serait lui qui rédigerait les statuts. Cette rédaction, délibérée et votée par la représentation nationale, aurait forme et puissance de loi.

« Seraient appelés à travailler dans les ateliers sociaux, jusqu’à concurrence du capital primitivement rassemblé pour l’achat des instrumens de travail, tous les ouvriers qui offriraient des garanties de moralité.

« Bien que l’éducation fausse et antisociale donnée à la génération actuelle rende difficile qu’on cherche ailleurs que dans un surcroît de rétribution un motif d’émulation et d’encouragement, les salaires seraient égaux, une éducation toute nouvelle devant changer les idées et les mœurs.

« Pour la première année qui suivrait l’établissement des ateliers sociaux, le gouvernement réglerait la hiérarchie des fonctions. Après la première année, il n’en serait plus de même. Les travailleurs ayant eu le temps de s’apprécier l’un l’autre, et tous étant également intéressés, ainsi qu’on va le voir, au succès de l’association, la hiérarchie sortirait du principe électif.

« On ferait tous les ans le compte du bénéfice net, dont il serait fait trois parts l’une serait répartie par portions égales entre les membres de l’association ; l’autre serait destinée : 1° à l’entretien des vieillards, des malades, des infirmes ; 2° à l’allégement des crises qui pèseraient sur d’autres industries, toutes les industries se devant aide et secours ; la troisième enfin serait consacrée à fournir