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Cette intervention des communes dans un acte diplomatique montre le pouvoir de la bourgeoisie à cette époque et la part considérable que lui faisaient les rois dans les affaires politiques.

Mais des sermens et des sceaux ne suffisaient point pour assurer l’exécution d’un traité : il fallait de part et d’autre donner des otages et livrer des châteaux en mains tierces. Il fut convenu que les otages demeureraient pendant quatre mois entre les mains du roi de Navarre, autorisé à les livrer à la partie lésée par une infraction aux stipulations précédentes. Quant aux châteaux, ils devaient être remis au cardinal-légat, investi spécialement du pouvoir de nommer leurs gouverneurs et de recevoir leur serment et leur acte d’hommage[1].

On cherche en vain dans le long document que je viens d’analyser quelque article qui se rapporte à l’insulte faite au pavillon de Castille par l’amiral Perellòs. Il semble que cet outrage, cause d’une guerre acharnée, soit oublié complètement. Don Pèdre ne demanda et ne reçut aucune satisfaction, et les documens historiques que j’ai consultés ne rappellent cet événement que par une réclamation des négocians catalans dont les marchandises avaient été confisquées en représailles de l’attentat commis par Perellòs. Cette réclamation fut rejetée péremptoirement[2].

Le traité de paix fut bientôt suivi d’un traité d’alliance offensive et défensive entre les deux rois naguère ennemis, bien que des négociations délicates, et nécessairement d’une longue durée, fussent pendantes, au sujet de la fixation des frontières et de l’échange des prisonniers. Chacun promit à son nouvel allié d’être l’ami de ses amis et l’ennemi de ses ennemis ; ils jurèrent en outre de s’entr’aider dans leurs guerres par l’envoi d’une escadre de six galères armées et payées pour quatre mois[3]. Pierre IV n’avait tenu compte des sermens jurés à son frère et à don Henri ; il n’eut garde d’être plus scrupuleux à l’égard du roi de Grenade, à l’intervention duquel il devait la paix[4].

  1. Zurita, t. II, p. 305. — Ayala, p. 326.- Arch. gen. de Ar., registre 1394 Pacium et Treugarum, p. 39 seq. — Les décrets d’amnistie sont datés, celui de don Pèdre, du 7 mai, celui de Pierre IV, du 14 mai 1361. Même registre, p. 54 et 55.
  2. Arch. gen. de Ar., registre 1394, p. 77. Instruction aux ambassadeurs aragonais envoyés en Castille, le comte d’Osuna, le vicomte de Rocaberti, Gilbert de Centelles et Micer B. de Palou. Sans date, probablement octobre 1361.
  3. Le roi de Castille déclare qu’il n’aidera pas le roi d’Aragon en cas de guerre contre le roi de Portugal, et vice versa, le roi d’Aragon ne lui donnera pas de secours en cas d’hostilités contre la Sicile. Ce traité d’alliance fut publié à Deza, le 18 mai, par don Pèdre, et le 22, à Calatayud, par Pierre IV. Arch. gen. de Ar., registre 1394, p. 60 et suiv. - Une copie avec quelques variantes sans importance, datée de Séville 15 juin, ère 1399 (1361), et signée par don Pèdre, fut ensuite adressée à la chancellerie d’Aragon. Arch. gen. de Ar. Pergamino, n° 2267.
  4. Les négociations entre Pierre IV et Abou-Saïd sont attestées par Ayala et Zurita ; il suffit de comparer les dates du traité de paix entre l’Aragon et la Castille, et de la guerre commencée par don Pèdre contre Abou-Said, pour reconnaître toute l’influence que la menace d’une diversion en Andalousie eut pour opérer un accommodement entre les deux rois. Je dois dire cependant que je n’ai trouvé aucune trace, dans les archives d’Aragon, d’une correspondance entre Pierre IV et l’usurpateur de Grenade.