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et Odevaere, ces suprêmes représentans de la manière de David ; ils imitent maintenant MM. Horace Vernet, Delaroche, Eugène Delacroix et Scheffer. Les peintres flamands proprement dits copient plutôt qu’ils n’imitent leurs devanciers des XVIe et XVIIe siècles. Ce sont, en général, les peintres d’histoire ou les peintres anecdotiques qui inclinent vers l’art français ; nous citerons, dans le nombre, MM. Wappers, Dekeyser et Gallait. M. Wappers est le peintre de la révolution belge de 4830. L’immense tableau dans lequel il a représenté le peuple déchirant la proclamation du prince Frédéric, sur la grande place de Bruxelles, ne vaut guère mieux que nos peintures officielles de même date. M. Wappers, dessinateur facile et coloriste plus énergique que séduisant, a des prétentions à la peinture dramatique telle que l’entendait M. Delaroche. Ses Adieux de Charles Ier à ses enfans, son Anne de Boulen, son Charles IX, au moment où il finit de tirer sur le peuple le soir de la Saint-Barthélemy, son Louis XI regardant danser des jeunes filles d’une terrasse du château de Plessis-les-Tours, sont de faciles, mais faibles imitations de ce genre tout moderne.

M. Dekeyser, originaire d’un village de la banlieue d’Anvers, pâtre comme Giotto, a débuté à l’exposition d’Anvers en 1834, à l’âge de vingt-un ans, par un tableau de trente pieds représentant le Calvaire. Cette peinture annonçait d’heureuses dispositions et péchait plutôt par l’absence de style que par le manque d’inspiration. Depuis, M. Dekeyser a beaucoup produit et dans toute espèce de genre. Ses tableaux de batailles sont supérieurs à ses autres ouvrages. Sa Journée des éperons est peut-être son meilleur tableau. Il est telles parties de cette composition que M. Horace Vernet ne désavouerait pas. Tel est, par exemple, ce groupe où M. Dekeyser nous montre le comte d’Artois terrassé par un frère lai de l’abbaye de Terdoest et achevé par un boucher de Bruges. Ses tableaux de religion, conçus d’une manière ingénieuse, pèchent surtout par l’absence du sentiment religieux. Son coloris ne manque pas d’éclat, mais il est trop chargé de reflets. M. Gallait a figuré avec distinction dans nos expositions du Louvre ; c’est un peintre brillant, facile, qui s’inspire à la fois de Van der Meulen et de nos coloristes modernes. C’était celui des peintres flamands contemporains qui promettait le plus ; a-t-il tenu toutes ses promesses ?

Les peintres de genre et de paysage sont restés presque tous fidèles aux traditions purement flamandes. La plupart sont gens de talent ; mais est-il parmi eux un artiste supérieur ? Nous n’oserions nous prononcer pour l’affirmative. M. Verboeckoven a continué Paul Potter, mais à la façon d’Ommeganck. M. Koekoek de Clèves a hérité de la loupe de Van der Heyden, mais il n’a ni la vérité d’aspect, ni la solidité de ton que ce peintre si précis savait toujours conserver. Chaque brin d’herbe, chaque fleur, chaque rugosité de l’écorce, sont terminés de manière à