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de Hooch, Miéris, Netscher, Gonzalès Coques, Peeter de Hooge, Jean Verkolie, les deux Vanloo flamands, en un mot toute la pléiade des peintres élégans reproduit de préférence des conversations galantes où figurent de belles dames et des cavaliers qui les courtisent. A l’exception de quelques assemblées de famille, exécutées après la réforme, et dont tous les membres sont vêtus de noir, les personnages de ces scènes familières sont costumés avec beaucoup de recherche ; mais quelque chose d’épais dans la tournure, de gauche dans les manières, trahit souvent l’origine flamande de ces raffinés. Gérard Dow est plus varié, et se détache du groupe ; cependant son imitation si admirablement patiente ne s’écarte pas de certains thèmes. Nous le voyons toujours peindre de préférence les charlatans, les joueurs de flûte, les commères et des scènes d’intérieur plus ou moins compliquées, d’où un fini vraiment merveilleux n’exclut ni la chaleur du jet, ni la vigueur du ton, ni l’expression noble d’ordinaire, pathétique souvent jusqu’au sublime. Godefroy Schalken, le meilleur élève de Gérard Dow, restreint l’imitation et n’applique la manière du maître qu’à la reproduction des mêmes effets de lumière ; son idéal s’est renfermé sous l’abat-jour d’une lampe. Bien des peintres se confinent comme lui dans un même sujet, et font et refont toute leur vie le même tableau. Camille Troost peint les corps-de-garde, Brakemburg les mauvais lieux, Philippe Roos les basses-cours, Hondekoeter les combats de coqs. De l’imitation de l’homme, l’école naturaliste des Flandres était passée à l’imitation de la nature vivante et animée qui l’entourait. Puis, l’horizon de l’art se rétrécissant et la réalité gagnant de plus en plus, on vit des peintres d’un admirable talent se condamner à reproduire certains détails que, du temps des maîtres idéalistes, on n’eût considérés que comme accessoires : des animaux morts, des étoffes, des vases, des fleurs, un insecte, une goutte de rosée, une bulle de savon.

L’antiquité ne nous a pas laissé un seul bon tableau de paysage, et, dans les nombreux ouvrages de ce genre entassés assez confusément au musée des Studi, il est facile de voir que les artistes grecs et romains regardaient ce genre comme tout-à-fait secondaire. La plupart des ouvrages que nous connaissons ressemblent à des peintures chinoises ou aux décorations d’un théâtre de marionnettes. Cependant les auteurs de ces tableaux avaient un rare talent d’exécution, une grande sûreté de dessin et le sentiment de l’effet pittoresque[1]. L’infériorité de ce genre s’explique par la sorte de défaveur dans laquelle il était tombé auprès des écrivains et des beaux esprits du temps. Vitruve lui attribue la décadence de l’art. Il accuse ses contemporains de

  1. Voyez le petit tableau du musée des Studi, représentant des édifices avec de fortes ombres : n° 198.