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toute l’Allemagne et descendit le Rhin. Les artistes flamands durent imiter des modèles si voisins. Les premières compositions de Hubert, l’aîné des deux frères du nom de Van Eyck, sont exécutées dans le goût des peintres de Cologne. La manière des deux frères ne changea que lorsqu’ils se furent fixés dans la ville de Bruges et lorsque Jean eut découvert et appliqué le nouveau procédé qui l’a fait regarder comme l’inventeur de la peinture à l’huile. Il faut s’arrêter sur cette découverte de Van Eyck, qui produisit une véritable révolution dans l’art et qui donna une nouvelle direction à la peinture dans les Flandres et par suite dans toute l’Europe.

La plupart des peintres italiens des XIIe et XIIIe siècles peignaient sur toile collée sur bois. Cette manière est bien ancienne. Une miniature d’un manuscrit de Dioscoride, de la bibliothèque impériale de Vienne, qui fut exécutée par Julienne, fille de l’empereur Olybrius, et qui par conséquent date du VIe siècle, nous montre un peintre assis à son chevalet. Une femme, représentant la Nature ou l’Invention, tient une mandragore que cet artiste peint sur un morceau de toile fixé sur un panneau de plus grande dimension. Ces toiles, comme on a pu s’en assurer facilement, étaient préparées avec une couche de blanc qu’on recouvrait d’une feuille d’or pour donner plus d’éclat aux couleurs. Les triptyques grecs, peints sur ivoire ou sur bois, sont préparés à l’or, sur lequel on peignait les clairs en empâtement, les ombres en glacis, et qui formait le champ de la peinture. C’est donc de Constantinople que cette mode doit venir.

A la fin du XIIIe siècle et au commencement du XIVe, les Italiens peignirent beaucoup en détrempe (tempra), mais avec une solidité singulière ; l’eau ne peut pas altérer les couleurs de leurs tableaux. Un chimiste italien, M. Bianchi, a fait à Pise l’analyse des couleurs de tableaux de ces premières époques qui avaient la transparence et l’éclat de tableaux à l’huile. Il y a trouvé de la cire et un peu d’huile qu’on suppose avoir servi à faire fondre la cire. Je croirais plutôt qu’on mêlait l’huile à la cire pour la tenir fluide. Il est probable qu’avec le temps la plus grande partie de cette huile se sera volatilisée. Si les peintres grecs de l’antiquité ne mêlaient pas l’huile à leurs couleurs, ils l’employaient dans la combinaison de leurs vernis, que chacun d’eux, à commencer par Apelles, composait à sa manière en s’en réservant le secret. Les peintres romains, sous les empereurs, firent usage de vernis semblables pour aviver les couleurs de leurs tableaux. Se contentèrent-ils d’appliquer ces vernis à la surface sans les mêler quelquefois à leurs couleurs ? Nous ne le croyons pas. Un vernis appliqué à la surface ne pourrait, en effet, donner à la pâte cette transparence, cette fluidité harmonieuse qui distingue quelques-unes des peintures antiques conservées au musée des Studi. La suavité corrégienne de certaines parties