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tandis que, dans les manuscrits de l’époque carlovingienne, les peintures sont gouachées, et les clairs apposés en épaisseur sur les ombres. Les jaunes, les bleus, les verts, les rouges, sont purs, sans nuances intermédiaires ou rompues. Ces peintures semblent copiées sur des vitraux, et il est fort probable, bien qu’aucune verrière de cette époque n’ait été conservée, que cet art de la peinture sur verre, connu des anciens qui encastraient des plaques de verre peint dans les parois de leurs appartemens, s’était continué dans ces époques intermédiaires, et, par une heureuse transformation, ornait les fenêtres des basiliques chrétiennes de peintures analogues à celles des manuscrits. L’excessive naïveté de la composition, le défaut de proportion des figures, le calque trivial du facies des personnages, le peu d’élégance et de délicatesse des accessoires, tout dénote un art à son enfance ; cependant, chose étrange, et qui ne tient pas seulement à la maladresse de l’artiste, mais à certaines habitudes locales, nous signalerons dans ces premières ébauches une sorte de parti pris d’imitation littérale de la nature, une tendance particulière vers ce goût du grotesque qui, dans la suite, a spécialement caractérisé l’art flamand.

L’influence byzantine, partie des contrées de la haute Allemagne, descendit de proche en proche le long des rives du Rhin, cette grande voie de communication entre l’empire germanique et la Néerlande, et put seule neutraliser cette tendance vers un naturalisme excessif. Un second évangéliaire du monastère de Stavelot, qui est orné de vingt-neuf grandes miniatures à personnages exécutés sur fond d’or, et le livre du chanoine Lambert (1180), sont de précieux spécimens de cette manière qu’on a qualifiée plus tard, en Allemagne, de byzantine-rhénane, et dont les maîtres de l’école de Cologne, Wilhelm et Stephan, ne furent, deux siècles plus tard, que de mystiques et intelligens continuateurs. Ces manuscrits renferment plusieurs peintures dans le genre des miniatures byzantines de la meilleure époque. Là brille un reflet détourné, mais toujours puissant, de l’art antique.

Le XIIIe siècle présente une lacune. Il semble qu’à cette époque la culture de l’art ait été abandonnée dans les Flandres. Le seul manuscrit de ce temps, le livre des Dialogues du pape saint Grégoire, provenant du monastère de Saint-Laurent à Liège et qui faisait partie de la bibliothèque de Bourgogne[1], a la plus grande analogie avec les manuscrits français des Xe, XIe et XIIe siècles. Le style des compositions est tout-à-fait barbare. Les verts, les bleus, les rouges, employés seuls et sans mélange, sont appliqués par teintes plates et lavées. On retrouve dans cette disposition une sorte de calque de la peinture sur verre. Les peintures découvertes à Gand dans l’hôpital de la Biloque, et celles

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