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nationalités ; cette constitution rebelle a fait leur malheur dans le passé, mais, entrées plus tard que d’autres dans le mouvement des sociétés qui les pressent, elles y apportent des élémens nouveaux et des forces particulières qui se sont conservés en s’isolant.

Dans une étude sur les races maudites, on pouvait s’attendre à trouver l’histoire des Juifs et des Bohémiens. M. Francisque Michel a négligé entièrement cette partie essentielle de son sujet. On eût voulu connaître cependant le résultat des derniers travaux de la science touchant ces deux races proscrites. Les Juifs paraissent descendre d’une tribu arabe qui aurait été fixée en Égypte par la captivité. L’origine sémitique du peuple israélite est attestée par la ligne droite du profil, par les mœurs, les usages et le caractère de cette nation à tête dure. Tous les voyageurs se montrent frappés de l’analogie qui existe entre la vie errante, pastorale ou guerrière des patriarches de la Bible et les habitudes des tribus qui habitent encore l’Afrique septentrionale. Les Juifs modernes, répandus par toute la terre, ont subi les influences des différens climats et des nations sur lesquelles ils se sont, pour ainsi dire, greffés. Les causes sociales qui agissent sur les caractères primitifs des races ne modifient pas seulement les organes, elles modifient encore les fonctions ; ces variations que subissent les types dans leurs pérégrinations à la surface du globe constituent un des plus curieux phénomènes de l’histoire des sociétés.

Les familles vagabondes, connues sous le nom de Zigeuners, Zingars, Tsiganes, Bohémiens, Égyptiens, Gitanos, semblent appartenir à une même race. L’apparition de ces hommes à figure basanée, à traits exotiques, a plus d’une fois ému le moyen-âge. Les mesures de police en vigueur dans les états européens ont aujourd’hui beaucoup diminué le nombre de ces tribus nomades ; on est même parvenu à les fixer de gré ou de force en Autriche, en Valachie et en Moldavie. On suppose, avec toute sorte de vraisemblance, que ces familles errantes descendent de parias hindous qui auront dû quitter leur patrie, contraints qu’ils étaient par la misère ou par les mauvais traitemens de leurs concitoyens. Cette expatriation paraît d’ailleurs remonter à des temps très reculés. On connaît l’horreur qu’inspirent les parias aux habitans de l’Inde. Ils ont des fontaines destinées pour eux seuls et qui sont marquées par deux ossemens en croix. Ce qui révolte surtout la délicatesse des Hindous, ce sont les alimens immondes dont les parias se nourrissent. Ces hommes, dont on fuit les approches, disputent aux chiens et aux vautours les restes des animaux morts, crime inoui dans un pays où les castes supérieures se soumettent, par scrupule et par un raffinement de propreté, au régime végétal. L’expédition de Timurlan dans l’Inde, au commencement du XVe siècle, fit refluer dans d’autres contrées une grande quantité de ces malheureux.