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de l’âge barbare. Maintenant quels sont ces peuples ? La science distingue, comme nous l’avons dit, deux variétés cagotes : l’une qui se rapporte à une race originaire du Nord, l’autre à une race venue du Midi. Le type cagot blond reproduit assez bien les caractères que les historiens attribuent à la nation gothe. L’autre type, par son nez camus, par le lobe auriculaire très court, par la précocité de ses femmes, par l’air triste et concentré de sa physionomie, paraît descendre d’une famille africaine. Ces observations coïncident avec les résultats auxquels M. Francisque Michel est arrivé par la voie des recherches historiques. « Vous croyons, dit-il, que les cagots sont les descendans de ces Espagnols qui n’échappèrent au pouvoir des musulmans que pour ployer bientôt sous un joug mille fois plus pesant, mille fois plus insupportable, et qui durent leur longue misère à un acte de munificence mal entendu, à une erreur de l’administration, comme nous dirions aujourd’hui. » Or, parmi ces Espagnols fugitifs, il y avait une partie d’anciens Goths et une partie de Sarrasins. Ce sont ces deux variétés de races qui se sont perpétuées, tout en s’altérant, dans nos provinces du midi. Des rameaux arrachés de la souche et entraînés ainsi par la violence des événemens dans le courant d’une race étrangère, végètent tristement à l’écart ; c’est ce qui arriva aux cagots. Il leur a fallu, pour ainsi dire, jeter des racines nouvelles sur le sol et dans la population indigène qui les repoussait. Le progrès a été entravé chez eux par ces circonstances fatales.

C’est ainsi qu’on peut rendre compte, nous le croyons, de l’origine des cagots. L’opinion de M. Francisque Michel, appuyée sur des textes, des dates et des conjectures, trouve sa base la plus sûre dans les observations et les lois physiologiques. L’auteur de l’Histoire des races maudites a malheureusement beaucoup trop négligé cette source d’indications utiles. Une érudition même surabondante ne saurait suffire à retrouver les racines des variétés de l’espèce humaine. Il ne s’agissait d’ailleurs pas ici d’une simple question d’origine. L’auteur n’avait point seulement à porter la lumière sur la formation d’une race maudite ; il devait aussi dégager de l’état stationnaire des cagots une loi générale qui s’appliquât à l’histoire des autres familles réprouvées. M. Francisque Michel n’a point su remonter à cette loi ; il a négligé les caractères physiques, ou du moins ne leur a donné qu’une attention très secondaire. Les caractères matériels sont pourtant les gardiens de l’originalité des races : par eux, les familles se croisent ou se repoussent. Modifiée plus ou moins par le principe social, l’organisation des races ne s’abdique point elle-même, mais elle empreint de sa couleur morale les institutions, les littératures, les arts. Plus que toutes autres, les familles maudites paraissent douées de ces caractères tenaces qui résistent long-temps au mélange des autres familles et à l’influence des