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qui a vraiment donné une empreinte nationale à tant d’élémens confus, c’est la famille celtique. Ces primitifs enfans du territoire, mêlés de siècle en siècle aux enfans de la conquête, n’ont pas cessé de se distinguer par les caractères naturels ou acquis de leur type indélébile. Cette action d’une race inhérente au sol, qui s’approprie les caractères des autres races et qui les frappe, pour ainsi dire, de son effigie, amène pour les nations comme pour le genre humain cet admirable résultat : la variété dans l’unité.

Nous avons montré quels obstacles rencontre ce travail de fusion. C’est en général dans les phénomènes du croisement qu’éclatent surtout les incompatibilités naturelles des races. M. Francisque Michel rapporte l’observation suivante faite par un habitant de Came : « Toutes les femmes de pur sang, mariées avec des cagots, sont tombées malades peu de temps après leur union ; un certain nombre d’entre elles sont mortes, et les survivantes ont acquis une santé des plus robustes. » Peut-être y a-t-il un obstacle naturel au mélange des cagots avec les membres de la population méridionale de la France. Cet obstacle a dû être respecté ; mais, à mesure que les caractères des races s’adoucissent sous l’action du temps, de tels empêchemens, que la nature semblait avoir mis au croisement des familles, s’évanouissent peu à peu ; le mouvement qui entraîne les différens groupes vers l’unité triomphe alors de ces résistances passagères, et les tourne même au profit du perfectionnement des types.

L’accession des races attardées est l’événement le plus grave de ce qu’on pourrait nommer l’histoire naturelle des sociétés. Ces élémens, qu’éloignait le travail de la civilisation naissante, deviennent, à un certain âge de la vie des peuples, les matériaux indispensables d’une constitution nouvelle. Il n’y a pas une seule de ces familles comprimées qui ne recèle les germes d’un développement spécial. Leur temps d’influence viendra ; pour quelques-unes il est déjà venu, La race juive apporte dans les sociétés modernes l’élément industriel. Les Bohémiens et les autres familles errantes ont versé dans la population gauloise le sentiment de l’indépendance. Ces groupes, dans lesquels se conservent les caractères d’anciennes races plus ou moins détruites, perpétuent le signe physique et moral de leur origine, tout en cédant au mouvement unitaire de la civilisation.

Il nous reste à déterminer l’origine des cagots. — D’où viennent-ils ? de qui descendent-ils ? — La physiologie, d’accord avec les témoignages historiques, reconnaît dans les familles cagotes les caractères du tempérament lymphatique : la bouffissure de la face, la blancheur du teint, la mollesse des chairs. Ce tempérament si éloigné du tempérament actuel de la nation française annonce d’anciennes familles de peuples, qui ont gardé par l’effet de circonstances exceptionnelles les caractères