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berceau des peuples, la race privilégiée par la nature devait apporter un soin extrême pour ne point mésallier ses caractères. Cet instinct d’égoïsme et de conservation a sauvé l’esprit français en maintenant l’intégrité du type celtique contre les invasions du sang étranger. L’originalité des nations résulte en effet de leur souche primitive et de la nature de leurs alliances. En évitant des croisemens intempestifs, des unions nuisibles, les races préposées au travail de la civilisation ont donc fait au moyen-âge une œuvre utile. Elles ont seulement eu le tort d’apporter dans cette œuvre la violence et les autres passions farouches qui distinguent les âges barbares.

Pour se préserver de la contagion des races hétérogènes qui habitaient le même sol et qui respiraient le même air, il fallait élever contre elles dans l’opinion publique une barrière infranchissable. Cette barrière ne pouvait guère être qu’un préjugé. Aussitôt la religion, la politique, l’hygiène même, intervinrent pour accabler les membres excommuniés de la nation. On vit alors s’établir, dans le midi de la France surtout, une sorte de cordon sanitaire entre un groupe et un autre groupe de la même population locale. On fit peser successivement sur les cagots tous les soupçons qui pouvaient le mieux soulever contre eux la répugnance des autres hommes. On les accusa d’hérésie, de lèpre, de sorcellerie, de crétinisme. Il faut ici nous reporter aux circonstances dans lesquelles ces diverses accusations ont été fulminées. Il y avait un fléau suspendu sur les populations livides du moyen-âge ; ce fléau redoutable était la lèpre. De tout temps, la peur fut égoïste. Les races soupçonnées de recéler en elles les germes de cette maladie odieuse se trouvèrent frappées d’avance par l’anathème. La terreur de la lèpre était si grande au XIIIe siècle, qu’elle survécut même à la maladie. Les préjugés ne veulent jamais avoir tort. Il reste à examiner si certaines constitutions de race n’ont pas le triste privilège de fixer sur elles certaines maladies. Tout n’a pas été dit sur cette question de médecine publique. Il n’est pas vrai, comme on l’a prétendu dans le dernier siècle, que la civilisation soit la racine de toutes les maladies, mais la civilisation tend à porter les maladies sur les organes plus élevés de notre nature ; d’où il résulte que l’homme met le progrès jusque dans ses infirmités. Les maladies participent à la nature des mouvemens qui se font dans l’organisation humaine ; elles viennent, pour ainsi dire, se teindre d’âge en âge dans le tempérament successif des races. Si maintenant une famille moins avancée que les autres (le degré d’avancement d’une race est toujours en rapport avec la date de son implantation sur le sol) végète au sein de la population indigène, si ses membres offrent par exemple une constitution lymphatique à un âge social où ce tempérament a cessé d’être le tempérament général de la nation, il se peut que cette famille conserve dans sa nature dégradée des affinités malheureuses