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contre les parens de Marie de Padilla. Qu’ils l’avouassent ou non, c’était, il le voyait clairement, la véritable cause de leur prise d’armes. Mais ils devaient savoir que les rois étaient libres de choisir leurs conseillers, et qu’à eux seuls appartenait de récompenser les services de leurs vassaux. Au surplus, le roi avait des faveurs pour tous ses sujets fidèles, et, en nommant aux grands offices de sa couronne, il ferait bien voir et sa munificence et son impartialité. Quant à la reine Blanche, le roi s’engageait à la traiter avec honneur, comme sa femme, et comme la reine de Castille. » Telles furent les seules promesses ou plutôt les espérance que don Pèdre consentit à donner, encore peut-être se réservait-il de les interpréter un jour à sa guise. Il s’était flatté qu’elles satisferaient la majeure partie des confédérés, ceux-là du moins qui n’avaient pas perdu tout respect pour l’autorité royale. En terminant, Gutier Fernandez se tourna vers le roi et lui demanda : « Sire, est-ce là tout ce que vous me commandez de dire ? » Et le roi répondit affirmativement. Alors les chefs des confédérés s’éloignèrent un moment pour délibérer entre eux. Ils s’étaient attendus que le roi s’expliquerait lui-même ; surpris et piqués sans doute de voir qu’il s’en était remis à un de ses chevaliers pour faire connaître ses intentions, ils voulurent pareillement qu’un chevalier de leur troupe se chargeât de leur réponse. Le choix tomba sur Fernand Perez Ayala. Son discours, que son fils nous a conservé, prouve que les confédérés n’avaient pas trop présumé du talent de leur orateur. Tout en ménageant avec adresse l’orgueil du roi, Ayala s’efforce de justifier la prise d’armes des ligueurs. Il évite à dessein de s’expliquer sur le renvoi de la favorite et de ses parens, et, avec encore plus de soin, passe sur les prétentions de ceux qui aspiraient à remplacer les Padilla au timon des affaires. Mais il insiste avec beaucoup de force sur l’affront fait à tant de riches-hommes convoqués à Valladolid pour le mariage du roi, et qui, vis-à-vis de la France, se sont en quelque sorte portés comme ses garans. Il rappelle la déposition et la mort injuste du maître de Calatrava Nuñez de Prado, l’agression sans motif contre Alburquerque, alors que par amour pour la paix il avait consenti à livrer en otage son fils unique et à s’exiler lui-même. Ce traitement de deux sujets fidèles, après tant de services rendus au prince et au pays, a dû effrayer toute la noblesse. Aujourd’hui elle craint son roi, ou plutôt les conseillers qu’il s’est choisis. Que le roi daigne la rassurer, et il retrouvera dans ses riches-hommes la loyauté et l’amour qu’ils lui conservent toujours comme à leur seigneur naturel. Fernand Ayala conclut en proposant de remettre la solution définitive du différend à l’arbitrage de huit chevaliers nommés par les deux partis. Puis, à l’exemple de l’orateur du roi, il demanda aux seigneurs qui l’entouraient s’il avait fidèlement exprimé leur pensée. Tous répondirent qu’ils approuvaient ses paroles et ratifiaient ses propositions.