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sorte, et rejeter sur de perfides conseils la part qu’il prend à la rébellion. Ce caractère énergique n’est point encore aigri par le malheur. Tant de trahisons l’ont indigné, mais il n’a pas cette haine implacable que lui donnera plus tard la triste expérience des hommes de son temps.

Aux termes du traité d’Atienza, la cour d’Aragon devait secourir le roi de Castille, mais sans doute elle voyait alors avec un secret plaisir les désordres de ce malheureux royaume et l’affaiblissement d’un voisin redoutable. Sa réponse fut évasive, et elle abandonna son allié à sa mauvaise fortune.


VI.

Malgré la supériorité de leurs forces, les confédérés n’osaient ni livrer bataille au roi ni l’assiéger dans une des places qui lui demeuraient fidèles. A l’exception de quelques chefs, la plupart des riches-hommes respectaient encore la majesté du trône et répugnaient à une violence ouverte. Surtout les communes, dont les milices composaient en majeure partie l’armée de la ligue, inclinaient pour la modération ; tous espéraient d’ailleurs que la lassitude et l’épuisement de ses ressources réduiraient bientôt don Pèdre à subir leurs conditions. Aussi, sans chercher à engager un combat dont l’issue ne pouvait être douteuse, ils ne s’appliquaient qu’à séduire ses soldats, à lui enlever l’une après l’autre les villes qui demeuraient encore dans l’obéissance. La plupart, même les plus éloignées du théâtre de la guerre, sur le bruit des derniers événemens, transmirent leur adhésion à la ligue ; quelques-unes, se renfermant dans une neutralité prudente, n’envoyaient ni troupes ni subsides au roi, et refusaient d’admettre les confédérés dans leurs murs. De ce nombre furent Valladolid et Salamanque, dont les conseils affichaient des prétentions d’indépendance. Dans l’anarchie générale, chaque province, chaque ville se créait son administration à part, et voulait fonder comme une petite république. Cette tendance à l’isolement fut toujours fatale à l’Espagne et s’est reproduite dans toutes les révolutions de ce pays.

Contraints de temporiser avec les communes puissantes, les confédérés ne balançaient pas à employer la force ouverte pour réduire les villes de moindre importance. Ils prirent d’assaut et livrèrent au pillage Medina del Campo, qu’ils avaient sommée vainement de leur ouvrir ses portes. Là, ils firent une perte irréparable. L’homme le plus propre à maintenir l’union parmi cette foule de seigneurs animés d’intérêts opposés, Alburquerque mourut presque subitement à Medina, peu de jours après la prise de cette place, au commencement de l’automne de 1354. On soupçonna son médecin, maître Paul, Italien attaché à la maison de