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ont tout le monde pour victime, les gouvernans comme les gouvernés, les plus petits administrés aussi bien que les plus hauts administrateurs. Cette France-là, qui a la majorité sur toutes les Frances de parti ou de coterie, sur toutes les minorités plus ou moins dynastiques, sur toutes les oppositions plus ou moins révolutionnaires, qui lit tout, écoute tout, mais ne pense que par elle-même, ne peut point ne pas avoir remarqué que, dans l’agitation réformiste qu’on lui a prêchée cette année pour la consoler de la disette, on ne lui a parlé que de gouvernement, fort peu ou point du tout d’administration, ce qui eût été, à son avis, beaucoup plus opportun.

Dans l’état actuel du haut personnel administratif, quatre ministères ont été déjà pourvus de sous-secrétaires d’état, et il faut avouer tout de suite qu’on ne s’en est pas beaucoup aperçu. Cela tient uniquement sans doute à ce que l’introduction de ces agens nouveaux et supplémentaires, ressource de majorité ou de népotisme, tentative partielle de convenances momentanées, a été essayée sans idée d’ensemble, sans principe fondamental et systématique. Avec M. Martineau des Chesnez à la guerre, M. Jubelin à la marine, M. Antoine Passy à l’intérieur, M. Legrand (de la Manche) aux travaux publics, on peut, sans offenser personne, trouver que le principe des sous-secrétaires d’état est loin d’avoir donné son dernier mot. Il nous revient même que le cabinet n’est arrivé à la pensée d’étendre à d’autres départemens ministériels le mode des sous-secrétaires d’état, d’en généraliser et d’en compléter l’usage, que par la nécessité de modifier en tout ou en partie le personnel des quatre directions générales qui auront été le début plutôt que le modèle de cette tardive nouveauté. M. Martineau des Chesnez est à bout de santé. La comptabilité de la guerre, de ce ministère qui consomme 200 millions, a besoin d’une main nouvelle et d’une capacité accréditée en parlement. L’urgence de ce premier changement a remis sous les yeux du cabinet, qui se doit de préparer la nouvelle session de manière à ce qu’elle ne ressemble pas à la précédente, la position faite aux trois autres sous-secrétaires d’état et l’opportunité d’en augmenter le nombre. De l’incident on est passé au fond, et de la circonstance au principe. Telle est l’histoire des modifications et promotions dont on a commencé à s’occuper. À ce propos, des journaux qui se livrent à la concurrence de l’information en même temps qu’à celle du bon marché ont gravement annoncé au public qu’au moment de nommer M. Magne sous-secrétaire d’état de la guerre, lequel devait avoir dans ses attributions les affaires d’Alger, on s’était trouvé arrêté par les exigences du général Delarue, prétendant au grade de lieutenant-général avant de quitter la place, et par les réclamations du maréchal Sébastiani, courant aux Tuileries et au siège des principales influences gouvernementales pour protester au nom de l’armée contre cet avancement. C’est le cas de s’écrier ici, d’après une formule familière en son temps à M. Royer-Collard : Nous ne savons rien de cette racontance, mais nous affirmons qu’elle n’a pas le sens commun.

M. Magne a été nommé quasi-ministre de l’administration de la guerre non point parce que M. le maréchal Sébastiani et M. le général Delarue l’ont permis, mais parce que ce choix est bon, et qu’il y a pour s’y tenir, outre les raisons de capacité financière (M. Magne a été rapporteur du budget avec une facilité qui l’a mis sur le pied de toutes les anciennes spécialités parlementaires), les motifs particuliers de son intime intelligence, en ce qui touche l’Algérie, avec celui qui