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pas aussi sûr dans la chambre des lords ; mais, comme la cité de Londres renverrait encore M. de Rothschild à la chambre, ce sera, en définitive, au corps électoral que restera la victoire.

Le parlement s’est mis immédiatement à l’œuvre sur les principaux sujets indiqués dans le discours de la couronne. Il avait été convoqué spécialement pour s’occuper des affaires de la banque et de l’acte de 1844, mais il n’a pas encore pu aborder cette question ; l’Irlande s’est jetée à la traverse. Ce sera une rude tâche que de discipliner la jeune chambre. Dès le premier jour, elle a, comme un collége en révolte, sauté par-dessus les murs et pris la clé des champs. Bien habile qui pourra retenir les Irlandais ! Ils ont commencé par s’emparer de toute la première séance, celle de l’adresse ; il n’y en a eu que pour eux. Aussi quelle longue et lamentable histoire n’ont-ils pas à raconter ! Quoiqu’ils abusent quelquefois de la parole, ils ont cependant raison de croire que la session a été convoquée pour leurs affaires plus que pour celles de la bourse. Leur pays est aujourd’hui placé en véritable état de siège, non point par l’autorité militaire, mais par une armée d’assassins. Les meurtres ne s’y comptent plus ; c’est une maladie passée à l’état chronique. Le gouvernement anglais a annoncé qu’il présenterait aux chambres des lois de répression ; le parlement les accordera sans aucun doute, mais il demandera qu’elles soient accompagnées de mesures de réorganisation. Des lois sévères auront beau réprimer les crimes qui ensanglantent en ce moment l’Irlande, ce ne sera que pour un temps, pour une année, pour un mois peut-être ; ils reparaîtront dès qu’on retirera un seul instant la main de fer qui aura pesé sur eux. Il faut donc remonter aux causes mêmes du mal, c’est-à-dire à l’organisation de la propriété, et c’est ce que compte faire le gouvernement anglais. Le discours du trône a annoncé, et les ministres ont confirmé, qu’une loi serait présentée pour régler les relations des propriétaires et des tenanciers ; il en sera probablement présenté d’autres pour la vente forcée et pour la répartition des terres en friche ; pour le moment, il n’est pas question d’un nouvel emprunt.

La situation financière et commerciale, après la crise qu’elle a traversée, s’offre sous un aspect moins sombre qu’on ne l’aurait attendu. La faculté donnée par le gouvernement à la banque d’augmenter ses avances au-delà des limites fixées par la loi a suffi pour rétablir la confiance. La banque, comme nous l’avons dit, n’a pas même eu besoin d’user de la permission qui lui était donnée ; elle n’est pas sortie de l’acte de 1844, et les ministres se dispenseront, dit-on, de demander au parlement un bill d’indemnité. Ils ont retiré la lettre qu’ils avaient adressée aux directeurs de la banque le 25 octobre, et les choses sont ainsi rétablies dans leur état antérieur. Toutefois, après l’atteinte qu’il a reçue, l’acte de 1844 ne peut rester tel qu’il est, car de deux choses l’une ou il était bon, et alors on a eu tort de le suspendre ; ou bien il était mauvais, et alors il doit être modifié. Ses partisans tiennent bon ; ils continuent à prétendre qu’il a atteint son but, qui était de maintenir la valeur des billets égale à celle de l’or. Il n’avait pas d’autre objet ; il ne pouvait pas empêcher la nation de se jeter avec frénésie dans les entreprises de chemins de fer ; il ne pouvait pas non plus prévoir ni prévenir une famine qui a enlevé du pays 500 millions de numéraire. Dans tous les cas, le gouvernement va proposer une enquête sur les effets de cette loi tant controversée ; il n’ose prendre lui-même ni la responsabilité ni l’initiative d’un changement. La commission qui sera