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et se présenter à la reine-mère et à la princesse française, sa belle-fille. Là, sans doute, on leur peignit le courroux de don Pèdre, son humeur implacable, ses menaces et les échafauds qu’il faisait dresser. La plupart, effrayés de ces confidences et désespérant d’obtenir leur pardon, ne songèrent plus qu’à prendre la fuite. Deux chevaliers seulement, plus hardis ou plus confians que le reste, se hasardèrent à poursuivre leur route vers Olmedo : c’étaient Alvar Gonzalez de Moran et Alvar Perez de Castro, frère de cette Inez, maîtresse de l’infant Pierre de Portugal, si fameuse depuis par sa mort cruelle et les honneurs que son amant rendit à sa mémoire. Doña Maria de Padilla, naturellement humaine et compatissante, voulut sauver ces deux braves gentilshommes, contre lesquels le roi montrait une animosité particulière. Elle les fit avertir qu’ils n’avaient pas un moment à perdre pour se dérober au supplice qui déjà s’apprêtait. Venant d’une pareille source, l’avis était trop sûr pour être dédaigné. Aussitôt Moran et Alvar de Castro retournèrent sur leurs pas. A Medina del Campo, ils trouvèrent des relais préparés par les soins de la reine Marie, et ce secours ne tarda pas à leur être bien nécessaire. Alvar surtout, chaudement poursuivi, ne dut son salut qu’à la vigueur extraordinaire de son cheval. Moins heureux que lui, la plupart de ses compagnons, échappés de Tordesillas, furent arrêtés par les officiers du roi et conduits à Olmedo la chaîne au cou. On s’attendait à des supplices, mais la colère du roi ne résista pas aux prières et aux larmes de sa maîtresse. Après quelques jours de détention, tous ces malheureux furent rendus à la liberté[1].

Sur ces entrefaites, le maître de Saint-Jacques, don Fadrique, qui, depuis la mort de sa mère, doña Léonor de Guzman, n’avait pas revu le roi, reparut à la cour et y fut accueilli à bras ouverts. On eût dit que don Pèdre voulût réunir autour de lui tous ses frères pour les associer à son gouvernement. A l’exemple de don Henri et de don Tello, le jeune maître de Saint-Jacques rechercha l’amitié des parens de la favorite. Sur une insinuation du roi, il retira la grande commanderie de Castille à Rui Chacon pour en pourvoir Diego Garcia de Villagera, frère bâtard de Maria de Padilla. Pour prix de cette complaisance, le roi lui fit remise de quelques droits contestés à son ordre par la couronne[2]. De son côté, don Tello, mettant à profit les bonnes dispositions de son frère, obtint son agrément pour conclure un mariage avantageux. Sous le règne du feu roi, il avait été fiancé, encore tout enfant, à doña Juana de Lara, fille aînée de don Juan Nuñez, maintenant héritière de la seigneurie de Biscaïe. La défiance d’Alburquerque s’était toujours opposée à cette union. Il avait fait mettre le séquestre sur les biens de

  1. Ayala, p. 108.
  2. Bulario de Santiago, cité par Llaguno. V. Ayala, p. 116, note 3.