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en silence le système qui l’enchaîne à l’Autriche ; la bureaucratie s’installe et trône dans l’immobilité du statu quo. — Surviennent enfin les jours bruyans de 1840, ces tentatives dramatiques et pittoresques d’une imagination remuante qui cherche à tout prix un autre libéralisme que celui du grand Frédéric ou celui d’Hardenberg et de Stein, un autre absolutisme que celui de Frédéric-Guillaume II et celui de Frédéric-Guillaume III. Eh bien ! dans cette époque si originale, et qui voudrait être si exclusive, les institutions, les événemens, les idées, les hommes, tout porte l’empreinte des époques antérieures. A travers les illusions sentimentales et chevaleresques sur lesquelles on a bâti le nouvel édifice officiel, on sent percer çà et là tantôt la droite et sèche raison du grand Frédéric, tantôt la timidité méticuleuse de Frédéric-Guillaume III, tantôt les vives réminiscences de la sagesse toute moderne qui présidait aux nobles travaux de 1806. Voilà tout l’aspect politique de la monarchie prussienne en ce moment-ci de son histoire.

L’aspect du territoire est encore plus diversifié par la bigarrure des provinces que celui de l’état par la variété des antécédens.

Jetez les yeux sur la carte de l’Allemagne, vous aurez le secret plus ou moins avoué des ambitions prussiennes. La configuration irrégulière et tourmentée du royaume constitué par les traités de 1815 indique à première vue ce qui lui manque et ce qu’il aspire à trouver, l’unité matérielle, indispensable base de l’unité politique. Les deux morceaux dont il se compose semblent travailler d’eux-mêmes à se rejoindre. Le Hanovre et le Brunswick, qui les séparent, sont pris pour ainsi dire entre les deux pointes qui arment ce grand fer de lance formé par les provinces de l’est. A l’ouest, la frontière hanovrienne est encore largement ouverte par le district westphalien de Minden, qui s’avance au cœur du royaume anglais comme un promontoire. Ces deux groupes territoriaux de l’est et de l’ouest ne sont pas non plus chacun, il s’en faut, un système complet ; les affinités de voisinage ne suffisent pas à compenser de plus anciennes et plus profondes dissidences. Qu’y a-t-il de moins semblable au Rhin que la Westphalie, à la Silésie que Posen, à la Poméranie que la Prusse ? Et cependant toutes ces provinces se touchent ; mais, pour que le contact fût vraiment fraternel, il faudrait un centre, un foyer constitutionnel, d’où la vie nationale se répandît et circulât dans le corps entier de l’état. La dernière diète a bien montré tout ce que pourrait gagner la patrie prussienne à rattacher par un commerce plus actif ses membres trop dispersés ; ce n’est pourtant pas en trois mois qu’on saurait effacer ces antiques divisions.

Il y a d’ailleurs sur cet objet, comme sur tant d’autres, une contradiction singulière dans les idées qui mènent la monarchie. Sa majesté Frédéric-Guillaume disait le 11 avril : « Il a plu à Dieu de faire