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souverain ou plutôt celles de son ministre. Il fallut la terreur inspirée par les hommes d’armes qu’il menait à sa suite pour obliger les bourgeois à faire quelques préparatifs de défense. Cependant un écuyer du roi, parti de Séville, s’introduisit secrètement dans Algéziras, et, trompant la vigilance des mercenaires amenés par le comte de Trastamare, réussit à se concerter avec les principaux d’entre les bourgeois et en obtint la promesse de se déclarer à la première occasion. Toutes les portes de la ville étant gardées, il se laissa glisser la nuit, au moyen d’une corde, le long des remparts, et revint aussitôt à Séville, annonçant qu’il suffirait de déployer la bannière royale devant les remparts d’Algéziras pour en chasser les rebelles. Peu de jours après, quelques galères, commandées par Gutier Fernandez de Tolède, parurent inopinément dans le port. Au cri de Castille ! au roi don Pèdre ! poussé par les équipages, les bourgeois répondent avec enthousiasme et sortent en armes dans les rues. Le comte de Trastamare et ses soldats n’eurent que le temps de monter à cheval et de gagner la campagne[1]. Déjà parmi ses partisans, quelques seigneurs, séduits par les promesses d’Alburquerque, se rapprochèrent de Séville pour traiter de leurs capitulations particulières. Les ponts-levis des châteaux s’abaissaient partout devant la bannière royale. Les fils de Léonor reconnaissaient un peu tard que la guerre civile était impossible. Après quelques jours d’hésitation, don Henri, don Fadrique et le maître d’Alcantara, perdant tout espoir de se créer un parti, ne songèrent plus qu’à obtenir leur pardon et à faire oublier leur imprudente prise d’armes.

Alburquerque n’était pas encore assez puissant pour oser punir rigoureusement les fils de son bienfaiteur, ou peut-être ne les crut-il pas assez dangereux pour se montrer implacable. Sur les assurances bienveillantes du ministre, don Henri et ses adhérens entrèrent à Séville et furent admis sans peine à rendre leur hommage au nouveau roi[2]. Don Fadrique envoya sa soumission, et fut autorisé à demeurer provisoirement à Llerena, ville appartenant à son ordre. On promit aux rebelles repentans d’oublier le passé ; on leur conserva même leurs pensions et leurs emplois ; il n’y eut ni amendes ni confiscations. Seulement Alburquerque exigea la remise de quelques châteaux, entre autres celui de Moron, que le maître d’Alcantara fut obligé de céder à un gouverneur séculier[3]. En outre, les chevaliers d’Alcantara durent prêter le serment de ne recevoir leur maître Perez Ponce dans les forteresses de leur ordre, qu’avec l’agrément exprès du roi[4]. Alburquerque,

  1. Ayala, p. 20.
  2. Juillet 1350.
  3. Les revenus de cette place, un moment séquestrés, lui furent rendus lors de sa soumission. Rades, Cron. d’Alcant., 1, 18.
  4. Id., ibid. Ayala, p. 23.