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aux Arabes. Après avoir péniblement défendu leur indépendance contre l’invasion musulmane, les chrétiens des Asturies étaient sortis de leurs rochers inaccessibles pour conquérir pied à pied un riche territoire au centre de l’Espagne. Des guerres heureuses, des alliances plus heureuses encore, avaient réuni successivement, sous la domination des princes asturiens, Léon, la Galice, les provinces basques, les deux Castilles, Murcie, l’Estramadure, enfin une grande partie de l’Andalousie. Les rois de Castille possédaient toute la côte nord de l’Espagne. Au sud, ils s’étendaient depuis l’embouchure de la Guadiana jusqu’à Tarifa, la ville la plus méridionale de l’Europe. Maîtres de Jaen et de Murcie, ils enveloppaient presque entièrement le royaume musulman de Grenade, comme une proie qui ne pouvait leur échapper.

Depuis la réunion de Murcie à la Castille, les rois d’Aragon, possesseurs de belles et fertiles provinces dans l’est de la Péninsule, avaient perdu l’espérance d’accroître leurs domaines aux dépens des Arabes ; mais l’étendue de leurs côtes, leurs ports excellens, surtout le caractère aventureux de leurs sujets, catalans, valenciens et baléares, ouvraient un large champ à leur ambition. Tour à tour guerriers et marchands, leurs marins se montraient partout sur la Méditerranée. Ils avaient conquis la Sardaigne, la Sicile, la Morée ; ils faisaient trembler les empereurs grecs et disputaient l’empire de la mer aux Vénitiens et aux Génois.

Malgré le peu d’étendue de son territoire et la faiblesse de sa population, le royaume de Navarre avait cependant une importance considérable, parce qu’il commandait les ports, ou les principaux passages des Pyrénées. Protégé par ses âpres montagnes et par sa pauvreté même, le Navarrois, tenant pour ainsi dire les clés de l’Espagne entre ses mains, voyait son alliance recherchée par la Castille et l’Aragon, qu’il pouvait ouvrir aux armées de la France ou de l’Angleterre.

Le Portugal avait, au XIVe siècle, les mêmes limites à peu près que celles qui le séparent aujourd’hui de l’Espagne. Sa marine était encore bien loin d’avoir acquis cette audace et cette habileté qui l’illustrèrent dans la suite. Une longue frontière, vulnérable sur presque tous les points, exposait le Portugal aux entreprises des souverains castillans ; aussi voit-on ses rois chercher de bonne heure dans des alliances étrangères une protection contre des voisins dangereux.

Les Maures, chassés successivement de toutes les provinces de la Péninsule, tenaient ferme encore au sud-est de l’Andalousie. Grenade était la capitale d’un empire qui, après s’être étendu jusqu’au-delà des Pyrénées, s’abritait à peine maintenant sous la haute barrière des Alpuxarres et de la Sierra-Nevada. Le voisinage de l’Afrique, les secours que les musulmans andalousiens demandaient aux populations guerrières des côtes de Barbarie, leur permettaient de soutenir quelque