Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/847

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’art chez les Grecs : les entablemens du temple de Minerve ont de la force et non de la pesanteur ; cette force même n’est point celle d’un dieu comme Jupiter ou Neptune ; c’est celle de la déesse qui inspire et quelquefois rend la justice, mais qui, pour porter la lance et le bouclier, n’en conserve pas moins les formes de la vierge. Aux époques antérieures, l’art n’avait point encore distingué nettement la puissance intelligente d’avec la force brutale ; on ne peut, au milieu de grandes qualités, méconnaître dans le Posidonium de Corinthe cette confusion. Il ne reste de ce temple que sept colonnes de pierre mutilées, aux cannelures larges, au fût court et ramassé, au chapiteau épais et pesant ; cinq d’entre elles supportent la première assise d’un entablement qui paraît les écraser. Ce sont là les défauts d’une qualité éminente, la puissance. Ces colonnes conviennent sans doute au Neptune de cette époque, dieu puissant, mais encore barbare ; elles ne conviendraient plus au temps de Phidias.

Une comparaison analogue fera ressortir la beauté des entrées du Parthénon. On connaît le monument dorique de Mycène, sur lequel, du reste, on dispute encore, le tombeau d’Agamemnon : la chambre principale a la forme d’une ruche d’abeilles ou d’un dôme allongé dont la courbe se resserre vers le haut ; creusé dans une colline, il reçoit le jour par une porte surmontée d’une ouverture triangulaire, contenant peut-être jadis un bas-relief. Les trois portes du Parthénon, comme celles de Mycène, ont les formes du style dorien : pour s’accorder avec la figure conique des colonnes et les inclinaisons des murs, elles devaient s’élargir à la partie inférieure ; elles acquéraient ainsi une ampleur et une majesté qui n’appartiennent pas aux angles droits des portes modernes ; mais ici, comme en tout, le dorique avait à craindre de confondre la gravité avec la lourdeur : les portes de Mycène sont trop basses pour être élégantes et gracieuses ; elles ont les mêmes qualités que le temple de Corinthe, elles ont aussi les mêmes défauts. Phidias, concevant dans la déesse protectrice d’Athènes la noblesse de la fille de Jupiter et la grace infinie d’une vierge immortelle, la voulut placer dans une demeure dont toutes les parties lui fussent agréables : il donna donc aux entrées du temple la majesté des portes doriennes ; mais, pour leur donner l’élégance, il en redressa légèrement les côtés trop inclinés et en augmenta la hauteur.

C’est ainsi qu’au siècle de Périclès, la science plus précise dans ses analyses, la religion plus épurée dans ses dogmes, le vif sentiment de la beauté, inspirèrent aux grands hommes des ouvrages non moins accomplis dans leurs parties que parfaits dans leur ensemble. Ce siècle n’inventa aucun art, il les perfectionna tous ; il fit perdre aux anciens usages les défauts de leurs qualités ; les difficultés même se tournèrent en beautés nouvelles, et pendant que les colonnes, les architraves, les portes prenaient des formes plus gracieuses, l’impossibilité de faire coïncider des métopes égales avec des colonnes également espacées, cette difficulté inhérente au style dorien, et qui désespérait les architectes romains, fut une occasion pour les Grecs de donner à leurs temples plus de puissance et de majesté.

Telles sont dans l’ensemble et dans les parties de l’édifice les principales qualités par lesquelles il élève notre ame en éveillant en elle la pensée de la puissance divine et de la durée infinie ; il faut aussi savoir ce qu’il a en lui qui nous charme et qui nous touche. La beauté n’est pas simplement une des perfections de