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des traces recouvertes par la poussière jaune ou brune que fixent sur le Parthénon les vents, les pluies et le soleil. Le bleu se rencontre sur les triglyphes, le jaune sur les colonnes et la première assise de l’entablement ; le minium était appliqué sur les fonds des métopes, de la frise et des frontons ; enfin le vert était la couleur des vêtemens de plusieurs personnages sculptés[1]. Toutes ces couleurs sont minérales, et le temps ne les a point fait pâlir ; mais, comme elles étaient appliquées à l’encaustique sur le marbre même, il en est résulté pour elles une dégradation rapide, car, si quelque partie venait à se détacher, la pluie tombant sur le marbre mis à nu pénétrait sous les couches de cire appliquées plus bas et qui se soulevaient en se desséchant.

Aujourd’hui la couleur générale du Parthénon est celle que donne la nature à tous les rochers de marbre de l’Attique ; les parties couvertes ou verticales ont un ton brun doré qui contraste merveilleusement avec l’éclat du ciel. Au lever du jour, les rayons du soleil, rasant les flancs du Parnès et de l’Égialée, vont peindre d’un rose violet les montagnes nues de Salamine et les rivages d’Épidaure ; la presqu’île de Munichie prend la couleur du feu ; bientôt le rayon brillant parcourt les hauteurs du Pnyx et de l’Aréopage et s’arrête au sommet de la citadelle que domine le temple de Minerve. Le soir, les rayons obliques du soleil, glissant du Pirée le long de la plaine unie, dorent et enflamment le Parthénon. Ce sont les seuls momens, en été, où l’on puisse regarder impunément ces ruines ; au milieu du jour, la lumière tombant du ciel prolonge sur les colonnes les ombres noires des chapiteaux et des entablemens ; le reste jette un éclat que l’œil ne peut soutenir. Toute brisure, toute partie entr’ouverte, toute colonne mise autrefois à l’abri de l’air par les maisons adossées au temple est à cette heure d’une blancheur éblouissante et rayonne comme un métal embrasé. Les jours, si rares d’ailleurs, où le ciel est obscurci par l’orage, le temple de Minerve paraît gris et sombre comme si la déesse ne l’eût jamais habité, et que, pareil au temple souterrain de Colone, il eût été construit pour les Euménides ; mais, quand le ciel de la Grèce a repris son éclat, ces ruines, vues à distance, et surtout à l’heure où le soleil s’incline vers l’horizon, paraissent animées comme au premier jour ; la pure lumière leur communique son mouvement et sa vie. Si ce n’étaient des ruines, la déesse serait présente encore.


I. – L’ARCHITECTURE.

Un des caractères les plus importans de l’architecture du Parthénon, et en général du dorique grec, c’est l’absence d’une commune mesure entre ses diverses parties. Aussi Vitruve rapporte que des gens habiles de son temps proscrivaient absolument l’ordre dorique comme manquant de proportions. C’était bien mal comprendre la proportion dans les monumens ; car, pour les œuvres d’art non plus que pour les choses naturelles, l’harmonie ne consiste dans la subdivision exacte des parties les unes par les autres. Cela est si vrai, que le temple de Minerve, dont les proportions, contrairement à tous les usages des architectes,

  1. Il faut ajouter aux décorations polychromes du Parthénon les ornemens et les ustensiles de bronze doré que portaient un grand nombre de personnages.