multipliées sans choix ne tardèrent pas à y remplacer les productions originales. La plus sérieuse de ces publications littéraires, celle qui reflète le mieux la pensée de Pouchkine, est le Contemporain, fondé sous l’action directe du poète et aujourd’hui encore dirigé par un de ses amis, M. Pierre Pletneff, recteur de l’université de Saint-Pétersbourg et membre de l’académie russe. Le Contemporain, dont les tendances slavistes sont très prononcées, peut être regardé surtout comme l’expression de l’influence exercée par Pouchkine sur les premières classes de la société russe. Quelques-uns de ses rédacteurs appartiennent aux plus nobles familles de l’empire. Nous devons remarquer à ce propos que ce vif sentiment de nationalité qui inspirait Pouchkine avait fini par gagner parmi les écrivains aristocratiques ceux même qui semblaient le plus soumis aux vieilles traditions ou aux influences étrangères. C’est ainsi que le prince Wiasemsky, l’un des vétérans de la littérature, le prince Odoevsky, malgré son mysticisme germanique, suivirent la muse slave dans la voie où elle se sentait appelée.
Avant d’arriver à la dernière phase qu’a traversée la poésie russe depuis Pouchkine, il importe de compléter ce que nous avons dit du mouvement dont il fut l’ame, en montrant la trace féconde qu’a laissée son génie dans les études historiques et dans le roman. La Russie a eu deux historiens, qui tous deux ont interrogé ses annales d’un point de vue différent. L’un, Polevoï, a su introduire dans ses recherches cet esprit de sagacité patiente qui s’attache à l’interprétation, à l’enchaînement moral des faits politiques plutôt qu’au simple récit des événemens. L’autre, M. Oustrialoff, poussant un peu loin la complaisance patriotique, s’est étudié à démontrer, sous la forme du récit historique, les anciens droits de son pays à la possession des provinces polonaises. Ce qui est commun d’ailleurs aux deux historiens, c’est un vif et sincère patriotisme. Dans le roman, c’est aussi ce même sentiment qui a inspiré aux écrivains russes leurs meilleures créations. En première ligne se présente ici le nom de Zagoskine, l’auteur de Youry Miroslawsky et des Russes en 1812, ouvrages qui lui valurent la popularité la plus honorable et la mieux méritée. Le talent qui se révèle dans ces récits se fait pardonner l’absence d’énergie à force de grace et de flexibilité. Zagoskine, comme romancier historique, a eu des imitateurs et des émules. Nous citerons entre autres MM. de Rosen, Herascoff, Boulgarine. M. Herascoff a reproduit, dans un roman fort spirituel intitulé la Maison de glace, quelques traits animés de la cour de l’impératrice Amie, et mis en scène avec bonheur le célèbre favori Biren. M. Boulgarine a eu le malheur de s’attacher à un sujet déjà traité par Pouchkine et le tort de dessiner le plan de son Faux Dmitri sur celui de Boris Godounoff. Le roman a été écrasé par le drame.