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de choses en ce monde qui restent long-temps en principe sans aller plus loin ; mais le caractère le plus significatif de ce rapprochement, de ce mouvement de cohésion, c’est qu’il s’accomplit entre les trois souverains qui, dans des mesures différentes, se sont en même temps placés à la tête du mouvement politique, et que le progrès des idées de liberté se trouve ainsi associé à celui des idées de nationalité.

De vives démonstrations populaires ont salué les réformes annoncées dans le Piémont, et le roi a été l’objet de nombreuses ovations. Il reste maintenant à Charles-Albert à réaliser les concessions qu’il a faites « en principe ; » il faut attendre la publication des édits qui en détermineront la forme et les limites. Nous ne doutons nullement de la bonne foi et de la loyauté du roi ; il voudra certainement que ses réformes soient au niveau de celles de la Toscane et de Rome.

D’après les dernières nouvelles que nous avons reçues de la Toscane, un fait important, mais prévu, s’y est accompli. Le duc de Modène a pris possession du district de Fivizzano, qui, comme on sait, lui devait échoir en vertu des traités, lorsque le duché de Lucques serait réuni à la Toscane. Nous disions dernièrement qu’en présence de la lettre formelle des traités, il nous paraissait difficile qu’il fût fait une résistance légale à cette incorporation, mais que les nouveaux sujets du duc de Modène avaient au moins le droit de réclamer le maintien des institutions dont ils jouissaient sous la domination toscane. Le duc de Modène ne parait avoir rien décidé encore à cet égard. Dans tous les cas, nous croyons qu’il eût été plus prudent de sa part de transiger avec la Toscane, et d’échanger contre une indemnité quelconque l’abandon de ses droits de souveraineté ; car de deux choses l’une, ou il privera ses nouveaux sujets des droits dont ils étaient en possession sous leur ancien souverain, et alors il fera des mécontens et peut-être des séditieux ; ou bien il les leur laissera, mais alors il introduira sur son propre territoire des institutions plus libérales que les siennes, dont le spectacle et le contact ne seront pas sans danger.

Si nous ne nous trompons, la détermination du duc de 1llodène n’aurait pas trouvé des encouragemens auprès d’une haute influence qu’il a l’habitude de consulter. Un récent voyage que ce prince a fait à Vienne, dans l’intention de sonder le terrain et de savoir jusqu’à quel point il pourrait compter sur une puissante coopération, n’aurait point eu les résultats qu’il en attendait. Il n’en a pas moins cru devoir user de la lettre des traités, et il a, comme nous venons de le dire, fait occuper Fivizzano. C’est le 5 de ce mois qu’a eu lieu cette prise de possession. 300 hommes de troupes modenaises sont entrés sur ce petit territoire ; 100 sont restés en bas de la montagne sur laquelle est située la ville, et les 200 autres sont entrés dans la ville elle-même sans rencontrer de résistance.

La nouvelle de cette occupation, parvenue en Toscane, y a causé une très vive fermentation. A Florence, à Pise, à Livourne, plusieurs milliers de volontaires se sont fait inscrire pour partir et aller au secours de leurs anciens compatriotes ; pendant plusieurs jours, un conflit a paru imminent et inévitable. Le grand-duc a lui-même fait une démonstration en protestant contre l’occupation, et sur ce qu’elle aurait été faite sans avertissement préalable. Quant à la question de droit, elle ne peut être sujette à contestation, et c’est ce qu’auront