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Pimousse lors du combat livré sur la route de Daon à Cherré, et le reprit, quelques heures après, pour attaquer une colonne à l’entrée de Marigné. Parmi les chouans, l’égalité alors était la règle, l’autorité une exception variable et passagère.

Toutefois, dans ces alternatives de pouvoir et d’obéissance, le tour du commandement devait revenir plus souvent pour les intelligens et les braves. À ce double titre, Louis Treton ne tarda pas à conquérir sur ses compagnons de guerre l’autorité qu’il avait autrefois exercée sur ses compagnons de jeux. Sa participation à l’insurrection royaliste avait été, on le sait, le résultat d’une conviction réfléchie. Il y avait vu la défense de tout ce qu’il s’était accoutumé à aimer depuis son enfance ; c’était pour lui plus qu’une cause à servir, c’était la liberté de ses préférences et de sa foi à sauver,

La révolution, qui satisfaisait aux instincts philosophiques des villes, heurtait, en effet, toutes les habitudes d’esprit et toutes les croyances des campagnes. Or, les préjugés d’un peuple sont, comme les vérités elles-mêmes, une part de sa conscience : enlever de force à un homme son erreur, c’est opérer un malade malgré lui, et violer en ennemi l’arche sainte que la persuasion seule doit ouvrir. Que cette violence ait pu ou non être évitée, c’est une question que nous ne préjugeons point ici ; nous constatons seulement que la révolte des campagnes de l’ouest fut bien moins un mouvement politique qu’un élan d’indépendance. La plupart des Vendéens et des chouans combattaient, comme les républicains, pour la liberté, l’égalité et la fraternité humaines ; on ne différait, dans les deux camps, que sur la manière de les comprendre : les chefs nobles qui dirigèrent l’insurrection lui donnèrent un cri et un drapeau royalistes ; mais, pour qui étudie les élémens mêmes réunis sous ce drapeau, l’origine de la révolte était ailleurs. Du reste, ce double caractère royaliste et populaire eut ses représentans distincts dans la chouannerie du Maine. Jean Cottereau, lié à la monarchie et aux Talmont par une reconnaissance personnelle, combattit véritablement pour la royauté ; le mendiant Louis Treton, long-temps nourri par la charité des paroisses, combattit, comme Cathelineau, pour leur liberté.

La république avait complété ses victoires par la déroute du Mans. Le Maine était redevenu immobile et muet sous l’oppression de ce grand désastre. Parmi les combattans qui avaient survécu, les plus compromis se tenaient enfermés dans leurs tanières souterraines, les autres cherchaient à cacher leur participation à la défaite sous une soumission qui n’attestait que leur découragement. Ce fut alors que reparut dans le pays Louis Treton, à qui la plaque de fer-blanc destinée à garantir sa blessure toujours ouverte avait fait donner le surnom de Jambe-d’Argent. Lui aussi sortait de la bataille. Il avait encore le visage pâle