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à leur suite dans des montagnes inaccessibles, atteindre la région des hauts plateaux, se jeter enfin dans le désert et le parcourir dans tous les sens, au milieu des intempéries d’un ciel sauvage et heurté comme le sol. De part et d’autre, la bravoure est égale ; du côté des Arabes, se montrent les figures redoutées de Berkany, de Ben-Salem et d’Embarrek, lieutenans fidèles de l’émir, et, plus tard, de cet étrange aventurier connu sous le nom de Bou-Maza ; du côté des Français, Lamoricière, Bedeau, Changarnier, d’Aumale, Youssouf et bien d’autres dont le nom ne périra pas, et, par-dessus tous, le vieux soldat de l’empire qui a imprimé à cette guerre l’énergie décisive, le vainqueur de la Sikkah et de l’Isly, le maréchal Bugeaud.

Le récit de M. de Mont-Rond finit à la délivrance des prisonniers français, M. Courby de Cognord et ses compagnons ; il y manque un dernier épisode, l’expédition de Kabylie, pour clore cette longue série de combats par la campagne qui a mis le sceau à notre domination. Quoi qu’il en soit, ce livre, tel qu’il est, est le plus complet qui ait encore paru. Comme le dit lui-même M. de Mont-Rond en finissant, la conquête de l’Algérie est maintenant achevée, et il fait plus que l’affirmer, il le prouve par son histoire même. Une autre période commence ; M. de Mont-Rond n’en parle pas. Il se borne à la tâche de narrateur et laisse à d’autres le soin de résoudre les problèmes de l’avenir ; mais cette réserve de l’écrivain n’empêche pas que la lecture de son ouvrage ne renferme de précieux documens qui peuvent jeter de grandes lumières sur les questions encore à résoudre. Un enseignement ressort surtout de cet ensemble de faits : c’est qu’avant tout, quand on s’occupe de l’Afrique, il faut tenir compte des indigènes ; c’est que tout système qui ne leur fera pas une place sur le sol natal sera faux et ne conduira qu’à des désastres. Cette vérité parait bien simple et bien élémentaire ; il y a pourtant beaucoup de gens qui veulent l’oublier, et, quand l’ouvrage de M. de Mont-Rond n’aurait d’autre mérite que de la rappeler, il serait bon à lire pour tout le monde.


— Les amis de la littérature orientale et ceux des études historiques n’apprendront pas sans intérêt que la troisième partie de la belle bibliothèque de M. Silvestre de Sacy va être livrée aux enchères[1]. Le catalogue, volume in-8o de près de 500 pages, comprend la jurisprudence, la géographie, les voyages, les antiquités et l’histoire.



V. de Mars.
  1. La vente commencera le 15 novembre prochain. Ce catalogue se trouve chez B. Duprat, rue du Cloître-Saint-Benoît, 7, et chez les principaux libraires.