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en sembla surtout alors très frappé ; mais l’attention publique fut bientôt encore plus vivement saisie par certains mémoires brémois tous depuis résumés dans un écrit du sénateur Duckwitz, qui posa catégoriquement la question. Cet écrit était intitulé : l’Union allemande de navigation et de commerce (Deutsche Handels-und-Schiffahrtsbund). Il exprimait clairement les vues de Brême. Ces généreux Hanséatiques n’entendaient point bouleverser leur libre commerce par une révolution radicale ; il s’agissait seulement d’en soumettre une branche à quelques formalités : l’importation par navires étrangers et par entrepôts serait grevée d’un certain droit au profit des importations arrivant directement des régions transatlantiques sur navires nationaux. Le principal dans l’affaire, c’était cependant d’établir à Brême un dépôt général pour l’industrie allemande, où les marchandises une fois entrées ne seraient point censées sorties des limites du Zollverein, et pourraient, par conséquent, y retourner au besoin sans frais. Le Zollverein emploierait ainsi le territoire de Brême, tout comme si Brême était à lui. Brême traitant sur la base des droits différentiels, l’accession de Hambourg devait suivre. Hambourg ne pouvait plus se défendre contre l’Allemagne du moment où celle-ci aurait pris pied dans la mer du Nord et sévi sur Hambourg comme sur un entrepôt étranger au profit du grand entrepôt national de Brême. Les commissionnaires hambourgeois étaient ruinés, s’ils s’obstinaient à lutter contre les droits qui chargeraient leurs expéditions et favoriseraient d’autant l’arrivée directe des produits transatlantiques dans le port privilégié du Zollverein. La Hollande elle-même et la Belgique devaient se rallier pour éviter la meurtrissure de ces droits différentiels. On comprend peut-être maintenant l’ardeur du patriotisme allemand de Brême.

Ces mémoires brémois furent recommandés par le Hanovre à la Prusse vers la fin de 1844. La Prusse répondit à la date du mois d’avril 1845 par une note sortie des bureaux de la direction du commerce et communiquée aux différens états du Zollverein (Preussischen Handelsamtes Denkschrift). On reconnaît dans ce travail important la supériorité des hommes éminens qui sont à la tête de cette partie des affaires prussiennes ; on y trouve la doctrine complète des droits différentiels exposée avec une lucidité remarquable, les argumens pour ou contre l’application de cette doctrine à l’Allemagne, les résultats qui peuvent en découler. La conclusion quant aux faits, c’est que les droits différentiels devront en fin de compte assurer entre l’Amérique et l’Allemagne les infaillibles bénéfices d’un transit direct ; la conclusion quant aux principes (et, de la part des protectionnistes mitigés de Berlin, elle est caractéristique), c’est que les droits différentiels sont « un acheminement vers la liberté générale du commerce, qui est dans l’intérêt de tout le monde.