Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/512

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tel autre que ses talens firent entrer dans l’intimité, dans la famille même d’hommes illustres, et dont les chefs de l’université de France n’auraient pas dédaigné les lumières. C’est par de tels hommes que l’instruction publique a été possible en Grèce à un moment où elle sortait à peine de ses ruines.

La régence les appela à son aide. En 1833, une commission fut chargée par elle d’élaborer et de présenter dans un certain délai un projet d’organisation générale de l’instruction publique. Cette commission était composée de MM. C.-D. Schinas, président, Anastase Polyzoïdis, J. Kokkonis, Alex. Soutzo et J. Venthylos, auxquels on avait adjoint le docteur Franz, actuellement professeur à Berlin. On sait les services que rendit cette commission et quelle forme excellente prirent entre ses mains l’instruction primaire et l’instruction intermédiaire. Des écoles démotiques, qui correspondent à nos écoles primaires, des écoles helléniques, qui tiennent le milieu entre nos écoles primaires et nos collèges, des gymnases enfin, qui sont ici ce que sont en France les collèges royaux, furent successivement fondés de 1833 à 1837, et entrèrent promptement en exercice.

À cette époque, l’enseignement supérieur n’existait pas encore. La nécessité n’en pouvait être contestée. Si les écoles et les gymnases sont la condition de l’enseignement supérieur auquel ils préparent des auditeurs, l’enseignement supérieur à son tour est la condition de l’instruction primaire et intermédiaire, auxquelles il donne des maîtres. Il y avait bien déjà une école normale primaire et une école primaire modèle où pouvaient s’instruire et s’exercer les jeunes gens destinés à l’instruction du premier âge ; mais les futurs professeurs des gymnases et de l’université elle-même n’avaient où se former. Malgré le manque de ressources et la rareté des professeurs éminens, c’était là une lacune à combler au plus vite, dût-on n’avoir au début qu’une institution imparfaite. Telle était l’opinion de M. Schinas ; elle prévalut. Une loi qui devait être exécutée la même année parut en 1837. L’université fut ainsi fondée, et la prospérité croissante de cet établissement, qui a grandi en dépit de mille difficultés, montre tout ce qu’on peut attendre du peuple habile, persévérant, infatigable, qui se l’est donné à lui-même.

Le mot université, πανετιστημεϊον, n’a pas en Grèce le même sens qu’en France. Chez nous, à part le Collège de France et quelques autres établissemens peu nombreux, l’université comprend le corps enseignant tout entier, ayant à sa tête le ministre, qui en est le grand-maître, assisté du conseil royal ; chez nous, l’université est partout, aussi bien au village, qui ne possède qu’une modeste école primaire, qu’à Paris, où se trouve l’enseignement sous toutes ses formes. En Grèce, l’université est un établissement spécial qui ne se rencontre qu’une fois, à Athènes seulement. Qu’on imagine toutes les facultés réunies dans une seule maison, avec un chef qui se nomme ici recteur, πρύτανις, et on en aura une idée exacte. Elle a d’ailleurs pour modèles les universités allemandes, et par exemple l’université d’Iéna, telle qu’elle a été décrite par M. Cousin[1]. Cette forme convient parfaitement à l’instruction supérieure en Grèce, où les limites actuelles du pays et le nombre naturellement restreint des étudians permettent de concentrer les cours élevés dans une seule ville et d’en confier la direction

  1. Rapport sur l’instruction publique dans quelques états de l’Allemagne, par M. V. Cousin.