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ouvrirent l’accès des affaires, et qui devinrent, sous les Valois, les maîtres du gouvernement et les dominateurs de l’esprit public.

Ces hommes se vouèrent avec une obstination passionnée au triomphe du pouvoir absolu ; ils rendirent avec usure à la royauté l’appui qu’ils en avaient reçu. Peu préparés à la vie publique par l’obscurité de leur origine et par la dépendance dont ils étaient à peine relevés, ils s’attachèrent à étouffer les résistances plutôt qu’à en régulariser l’exercice, et, pour arracher la France à l’oppression féodale, ils la précipitèrent dans la servitude. Ce fut un malheur, sans nul doute ; mais ce fut aussi la suprême nécessité des temps et des choses. La prédominance du pouvoir royal pouvait seule préparer en France et l’égalité civile et l’unité territoriale. Or, il semble qu’à ce double but la Providence ait dans notre patrie subordonné tous les autres. L’égalité des conditions a été provoquée chez nous par des causes qui ont rendu plus difficile l’établissement de la liberté politique, et l’organisation toute militaire imposée à la nation par le soin de sa propre sûreté n’a pu avoir pour pivot que l’omnipotence royale.

Si, du XIVe au XVe siècle, la France n’était pas devenue le plus compacte des peuples et la plus vigoureusement constituée des monarchies, si le pouvoir ne s’y était point centralisé au point d’absorber tous les intérêts et toutes les forces, elle aurait disparu du nombre des grands états, et n’aurait laissé dans le monde aucune trace lumineuse de son passage. Placée au cœur même du continent, entre l’empire, l’Angleterre et l’Espagne, il fallait, pour garder ce poste périlleux et résister à une telle pression, un tempérament de soldat et une liberté de mouvemens incompatible avec la division des pouvoirs et les résistances de l’esprit provincial.

L’extinction des Capétiens directs dans la personne de Charles-le-Bel posa pour la première fois, devant la France, le problème de vie ou de mort. La question qui se trouva élevée entre Édouard III et Philippe de Valois, comme une question d’hérédité et d’interprétation de la loi successoriale, avait en réalité une tout autre portée ; il s’agissait de savoir à qui resterait la prépondérance de la race franque ou de la race normande, à qui des vieux conquérans des Gaules ou des récens conquérans de l’Angleterre appartiendraient et ces vastes provinces étendues de la Loire aux Pyrénées, et cette suzeraineté féodale qui était alors le signe même de la suprématie des races. Les pays d’outre-Loire, dont l’accession à la France était nécessaire pour constituer une grande monarchie, flottaient incertains entre les deux influences et les deux plaisons royales qui se disputaient l’empire. Le duché d’Aquitaine, avec ses nombreuses dépendances, formerait-il au sein des Gaules un état dépendant de la maison d’Anjou, qui régnait en Angleterre, ou serait-il incorporé dans la monarchie française ? la France enfin deviendrait-elle