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monumens, il en est un qui présente l’image du dieu poisson, ou de Dagon ; sur un autre paraît un taureau ailé, animal symbolique, ou, plus vraisemblablement, image d’une divinité assyrienne ; sur un troisième, des matelots tirent au rivage des pièces de bois, et il n’est pas possible de méconnaître dans le dessin de ces figures un mouvement très bien senti et très énergique[1]. On remarque dans la même salle un bas-relief représentant trois guerriers dont les deux premiers conduisent des chevaux bien campés et très convenablement dessinés. On est frappé tout d’abord de l’extrême ressemblance de ces chevaux avec ceux que l’on retrouve sur les sculptures grecques de l’époque archaïque. Les guerriers assyriens, tenant à la main des javelines, ont les épaules et les reins couverts d’une peau de mouton ; une tunique leur entoure le corps, et leurs chaussures, à pointe relevée comme les chaussures indiennes, sont lacées sur le devant de la jambe. Chacun d’eux porte suspendu à la ceinture une sorte de petit sachet elliptique dont il est fort difficile de deviner l’usage. Ce bas-relief était surmonté d’une longue inscription cunéiforme, malheureusement endommagée.

Au-dessous de ce précieux morceau de sculpture est encastré un fragment de pierre noirâtre beaucoup plus dure que le gypse, et offrant la partie inférieure d’un personnage qui tient à la main un triple bouton de lotus. Devant lui s’élève une plante mystique, sans doute le homa ou le soma, cette herbe divine qui joue un si grand rôle dans les rites religieux de l’Inde, je dirai presque de l’Asie entière.

En face de ces deux bas-reliefs, on a placé une énorme plaque de revêtement sur laquelle paraissent deux guerriers assyriens transportant à l’épaule un char de guerre, faisant peut-être partie du butin enlevé à l’ennemi. Ce char, dont le corps s’élève verticalement, est exactement construit comme tous les chars de guerre égyptiens sculptés à Karnak et à Medinet-Abou, c’est-à-dire que l’essieu se trouve placé à la partie postérieure de la plate-forme sur laquelle se tenaient debout l’homme de guerre et le cocher qui guidait les chevaux. Cette étrange disposition des chars paraît avoir été universellement adoptée, puisqu’on la retrouve en Égypte et à Persépolis, à plusieurs siècles de distance ; probablement elle fut empruntée par les Assyriens aux Égyptiens, puisque les monumens thébains, sur lesquels on la retrouve

  1. A propos de ces bas-reliefs si curieux et malheureusement en si mauvais état, nous demanderons pourquoi on s’est laissé conduire par une simple considération de dimension à garnir un même trumeau de deux fragmens de bas-reliefs distincts, dont les complémens ont été accouplés aussi déplorablement sur un autre trumeau ? Il en résulte que pour étudier et comprendre ces bas-reliefs déjà si difficiles à juger, à cause de l’état avancé de mutilation dans lequel ils se trouvent, il faut devant chaque cadre faire abstraction de la moitié de ce qu’on voit et rétablir en pensée la moitié de ce qu’on ne voit plus. Nous sommes désolé d’avoir à signaler ce bizarre parti pris que nous ne nous chargeons pas d’excuser.