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la tâche que MM. Botta et Flandin s’étaient imposée. Le premier s’en réserva la partie la plus délicate, c’est-à-dire l’estampage et la copie de tous les textes cunéiformes découverts ; le second fut chargé de dessiner tous les bas-reliefs. Tous les deux se sont dignement acquittés de leur mission, et déjà la publication du magnifique ouvrage, fruit de ce double travail, est arrivée à un point qui donne la plus haute idée du service que les sciences philologiques et historiques sont en droit d’attendre des efforts réunis de MM. Botta et Flandin.

On comprend avec quelle ardeur on désirait voir arriver à Paris les débris de ce somptueux palais. Il fallait donc tenter d’en sauver quelques-uns ; pour le faire, M. Botta dut se créer toutes les ressources qui lui manquaient. Voulant d’abord assurer au musée assyrien de Paris la possession de l’une des portes merveilleuses du palais, il fut obligé de faire construire un chariot de transport qui permît de conduire les blocs jusqu’au bord du Tigre ; mais il était impossible de songer à effectuer une pareille manœuvre sur des masses aussi considérables que celles des colosses ninivites. Force fut donc de se décider à les dépecer à la scie en tronçons maniables. Cette opération fut exécutée sous l’active surveillance de M. Botta ; mais il eut la sage précaution de faire enterrer intacts quelques colosses du même genre, afin que l’on pût, si le gouvernement du roi le désirait, faire arriver à Paris quelques-unes de ces magnifiques sculptures entièrement vierges des mutilations nécessitées alors par l’insuffisance des ressources.

Aujourd’hui que ces débris sont placés au Louvre, et que l’on a reconstruit les colosses, en en rajustant les morceaux avec un soin qui fait honneur au talent des hommes chargés de ce travail, nous pouvons nous reporter par la pensée en face de ce palais de Khorsabad, de cette véritable ville peuplée d’un monde de colosses et de figures en relief, couverte de textes sacrés et historiques, et cela avec une telle profusion, qu’il n’y a pas une des plaques de revêtement qui ne porte au revers une longue inscription destinée pourtant à être noyée dans la maçonnerie. Que doit-on penser d’un peuple dont la capitale contenait assez d’artistes pour exécuter en peu d’années, avec un ensemble inoui de style et d’art, une œuvre aussi gigantesque ? Nous avons dit en peu d’années, car des monticules semblables à celui de Khorsabad couvrent la plaine de Ninive autour de cette enceinte que l’on croyait avoir enclos la ville elle-même, et qui n’est, tout bien considéré, que l’enceinte d’un palais un peu plus grand que les autres. Ces monticules merveilleux, qui recèlent des palais, sont fort multipliés dans la plaine de Ninive, et déjà un Anglais, M. Layard, a fait exécuter des fouilles au sein du monticule de Nemroud, situé à douze heures de marche de Khorsabad et à l’embouchure du Zab dans le Tigre. Deux nouveaux palais ont été mis, au jour : l’un, de la même époque vraisemblablement que celui de Khorsabad, a été, comme ce monument, ruiné par un incendie ; l’autre