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La biographie apologétique, celle qui loue toujours, nous montre aussi, par l’exagération même de l’éloge, tout ce qu’il y a de factice dans certaines réputations, ce que valent en présence du bon sens public, après un an, souvent même après un mois, toutes les flatteries mensongères. L’admiration se prodigue à tel point, on l’a dit avec raison, qu’elle se déconsidère, et c’est faire acte d’esprit de la mépriser comme une monnaie qui n’en vaut pas la peine. Jamais, en effet, les Plutarque au petit pied n’ont été plus prodigues de formules admiratives ; l’écrivain le plus obscur devient sous leur plume une des individualités les plus saillantes de l’époque : il ne peut être apprécié que par des hommes de cœur, jugé que par des hommes d’esprit, compris que par des hommes de pensée.

Entre la biographie qui loue et la biographie qui dénigre se place la biographie vénale qui dénigre et qui loue, selon qu’on la paie. « Voyez, disait Nodier en 1837, tels ou tels livres biographiques ; en est-il beaucoup où, comme dans la quatrième page des feuilles quotidiennes, on ne puisse acheter une célébrité proportionnée à l’étendue que l’on paie ou au nombre d’exemplaires qu’on déclare vouloir prendre ? » Dans ces sortes de livres, les personnes intéressées ne donnent pas seulement des notes, elles peuvent rédiger elles-mêmes leurs articles et se traiter avec une bienveillance proportionnée, comme la célébrité qu’on leur accorde, au nombre d’exemplaires pour lesquels elles ont souscrit.

A une époque de publicité comme la nôtre, où chacun cherche à s’étourdir par le bruit qui se fait autour de son nom, où chacun veut avoir son buste, les biographies devaient nécessairement descendre aux infiniment petits, et se multiplier proportionnellement au nombre des individus qui, pour avoir un instant occupé le public, se croient destinés à occuper la postérité. Toutes les classes de la société ont aujourd’hui leur panthéon. Pour la noblesse, comme on eût dit en 1788, ce panthéon est principalement généalogique ; pour les deux autres ordres, il est biographique et se subdivise en une foule de livres particuliers. Nous avons vu paraître tour à tour la Biographie des hommes utiles, des imprimeurs, des enfans précoces, des bandits célèbres, des nains, des acteurs, du clergé contemporain, des femmes auteurs, des députés. Ce dernier genre est né en 1814 avec le gouvernement constitutionnel. Il a été cultivé avec succès, par M. Blanqui, de l’Institut, entre autres, qui donna en 1829, au journal le Figaro, des esquisses qui firent vendre ce journal à 20,000 exemplaires.


IV

Comme transition entre les sciences spéculatives, naturelles et historiques d’une part, et de l’autre la poésie, le roman et le théâtre, nous rencontrons les journaux quotidiens et les recueils périodiques, placés sur la limite indécise de la littérature et de la science, et les embrassant souvent toutes les deux à la fois. Nous n’avons à donner ici ni une histoire du journalisme quotidien ni une histoire de la presse périodique ; un volume entier n’y suffirait pas. Notre tâche est plus modeste : nous voulons montrer seulement ce qu’a été la production de ce côté, et faire juger, par le simple chiffre des publications, de la masse effrayante de phrases, de paradoxes, de vérités, de mensonges, qui ont été jetés au public, de l’esprit, de la verve et de l’argent qui sont restés enfouis sous cette lave de