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de l’art de guérir, il s’est développé dans ces dernières années deux branches importantes et nouvelles : l’une, la médecine légale, puissante auxiliaire du droit criminel ; l’autre, l’hygiène publique et privée, qu’on peut appeler la médecine préventive. La médecine hygiénique a principalement dirigé ses recherches sur la condition physique des soldats en garnison ou en campagne, sur celle des détenus dans les prisons, des travailleurs dans les ateliers, des pauvres dans les grandes villes. La première, elle a appelé l’attention sur les enfans employés dans les manufactures, et elle a provoqué la loi bienfaisante qui limite le travail dans la proportion de l’âge et des forces de chacun ; enfin on a également perfectionné l’hygiène morale, sur laquelle MM. Casimir Broussais, Réveillé-Parise et Descuret, entre autres, ont dirigé la principale activité de leurs études. L’impulsion donnée par Pinel et Esquirol à la méthode curative des maladies mentales ne s’est point arrêtée, et, quand on ne guérit pas la folie, on a du moins le secret de la rendre plus douce. Le nombre des livres ou brochures publiés depuis quinze ans sur le régime des aliénés s’élève au moins à quatre-vingts. Les faits que nous venons de citer, pris au hasard parmi tant d’autres du même genre, montrent que la médecine, alliée de la philanthropie et de l’économie politique, a su se faire aussi une noble part dans l’œuvre du perfectionnement social.

Quoique basé sur les lois les plus sévères de l’observation, l’art de guérir, comme toutes les branches des connaissances humaines, a ses rêveurs et ses utopistes, représentés par les homoeopathes, les allopathes, les allo-homoeopathes, les sudropathes, les hydropathes, l’inventeur de la médecine plus dynamique, les magnétiseurs, les phrénologistes, les physiognomonistes, etc, Ce qui distingue avant tout les novateurs médicaux, c’est le mépris profond qu’ils affichent pour les doctrines auxquelles ils veulent substituer leurs théories. Autant la science sérieuse est sceptique pour elle-même, autant l’utopie scientifique est téméraire : elle affirme ses rêveries sans les vérifier, et c’est là ce qui la perd. Les homoepathes, qui publient une dizaine de volumes chaque année, attaquent tous les médecins et prétendent guérir tous les malades. Les phrénologistes, plus pacifiques, n’attaquent et ne convainquent personne. Depuis Gall et Spürzheim, ils n’ont rien fait que des collections de plâtres moulés sur la tête des grands personnages, des dissertations sur le crâne des grands scélérats ; ils ont aussi fondé une société savante, la Société phrénologique, et un recueil, la Phrénologie, journal des applications de la physiologie sociale par l’observation exacte ; mais leur propagande a été vivement contrariée par de nombreux adversaires. Les philosophes les ont attaqués au nom de la psychologie, les écrivains religieux au nom du spiritualisme et de la morale, MM. Lélut et Flourens au nom de la médecine, tandis que M. Colombat de l’Isère, qui est aussi médecin, les raillait dans une comédie agréable : M. Frontal, ou la crânomanie. Les disciples de Mesmer ont été plus malheureux encore. L’Athénée central du magnétisme, qui tenait ses séances dans le passage du Saumon, le Journal du Magnétisme, le Propagateur et la Revue magnétique n’ont pu donner à leurs doctrines la consécration scientifique. Leurs somnambules n’ont pu gagner, depuis vingt ans, le prix de trois mille francs réservé par l’Académie de médecine à celui qui parviendrait à lire à travers un corps opaque. Après avoir occupé quelques instans l’Institut, ils se sont réfugiés dans le cabinet des pythonisses