Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus grand encore, c’est qu’elle est destinée à être perpétuellement faussée dans l’application, et cela par les raisons mêmes qui l’ont fait inventer. L’intérêt politique a deux exigences contradictoires ; il veut à la fois qu’on dépense beaucoup et qu’on emprunte le plus rarement possible ; on craint d’alarmer l’opinion, de troubler la Bourse par des appels trop fréquens au crédit. Inévitablement, on est toujours devancé par les événemens, comme nous le sommes aujourd’hui, et, une fois cette situation faite, le système devient inadmissible et d’une exécution périlleuse ; ainsi l’emprunt que M. Dumon a été autorisé à contracter comblera uniquement le déficit de l’année actuelle et de l’année prochaine ; il ne sera pas classé avant la fin de 1850. Il faudrait cependant, dans l’application raisonnable de la théorie des emprunts, emprunter de nouveau au commencement de 1849. Ce n’est pas tout : une partie des chemins de fer est livrée aux compagnies ; elles aussi doivent emprunter : viendrez-vous leur faire concurrence, les placer dans des conditions de crédit détestables ou impossibles ? Ce ne serait pas l’acte d’un gouvernement d’adjuger d’une main à des compagnies de grandes entreprises, et de leur enlever de l’autre le moyen de les effectuer. Les faits actuels, il faut que tout le monde le reconnaisse, donnent complète raison aux défenseurs de l’équilibre rigoureux entre les recettes et les dépenses, et nous sommes pour l’avenir condamnés à bien faire.


JULES DE LASTEYRIE.