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jour l’accomplissement de votes unanimes ou d’accroître les charges, il faut dire la vérité tout entière, exposer sans ménagement nos fautes et nos embarras. Ce serait une chose bien coupable de compromettre l’avenir pour sauver la réputation du passé. Si tous les gens de bien, à quelque opinion politique qu’ils appartiennent, ne sont pas alarmés, ne sentent pas que le premier des intérêts publics est aujourd’hui le rétablissement des finances, ne rencontrent pas cette opinion universellement répandue autour d’eux, avec quelle force luttera-t-on contre la coalition inévitable des intérêts privés, contre l’indifférence de l’égoïsme et l’engourdissement de l’ignorance ? D’autres conditions doivent encore être remplies pour que la grande œuvre du rétablissement de nos finances soit menée à bonne fin. Comment voulez-vous qu’un député vote pour la diminution d’une dépense à laquelle lui ou ses commettans attachent un grand prix, consente à ne pas affaiblir certains impôts, participe à la création de nouvelles charges, si des réductions considérables ne sont pas en même temps proposées sur des objets que ne protègent pas à un égal degré l’intérêt public et le vœu national, si les abus et les dilapidations ne sont pas poursuivis avec la dernière rigueur, si l’inertie administrative continue d’accroître inutilement des dépenses qui doivent avant tout être ramenées à une juste et honorable mesure ? Qu’on ne pense pas non plus trouver plus de facilités dans l’emploi de demi-moyens et par la proposition de mesures incomplètes. L’équilibre apparent ne tentera personne, ne stimulera aucune conscience, et il est plus facile d’obtenir de grands sacrifices pour un but élevé, d’une nécessité incontestable, dominant toutes les autres considérations, que des sacrifices moindres pour un but médiocre.

Une question se présente naturellement à l’esprit. Sur quelle partie du budget doivent peser les réductions ? Laissons de côté pour un instant les difficultés ; la réponse ne saurait être douteuse, sur les dépenses improductives, sur le budget ordinaire. Sans doute les travaux du budget extraordinaire peuvent être modérés dans quelques-unes de leurs parties, ils doivent être distingués et classés ; mais la politique qui les écarterait ou les réduirait en bloc, la fureur de l’équilibre qui viendrait aveuglément arrêter les espérances de l’avenir, mériteraient à un autre titre autant de reproches que le gaspillage. Les intérêts économiques du pays combattent ici ses intérêts financiers. C’est, du reste, un lieu commun, faux dans son exagération, de dire que la gêne actuelle provient uniquement des travaux publics. Dans le discours à la chambre des pairs précédemment cité, M. Dumon rappelait avec raison qu’en 1842, lors de la discussion de la loi des chemins de fer, on comptait subvenir aux dépenses des travaux publics extraordinaires, non-seulement au moyen des réserves de l’amortissement, mais aussi