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ni même de prononcer des discours éloquens. Le déficit est là ; il faut trouver le moyen de rétablir l’équilibre ou se reconnaître impuissant.

J’ai entendu dire à beaucoup de personnes : Ne prenons aucune grande mesure, ne précipitons rien ; soyons modérés, même dans le bien. L’équilibre du budget ordinaire se rétablira de lui-même, grace à l’accroissement des recettes. On ramènera les dépenses des travaux publics au montant de la valeur des réserves de l’amortissement, et, quant à la réduction des impôts, le gouvernement manquera à ses engagemens, ou il présentera un plan de finances, établira des impôts somptuaires, restaurera les anciens droits sur les boissons. Quelques-uns vont même jusqu’à parler d’income-tax. Ce système est tout simplement impossible à exécuter, impossible financièrement, moralement et politiquement. Peut-on déclarer que, pendant nombre d’années, la France demeurera stationnaire, sans amélioration matérielle ou morale ? Veut-on vivre uniquement sur l’enthousiasme inspiré par la création de nouveaux impôts ?

L’accroissement naturel des recettes, fût-il de 40 millions par an, ne saurait arrêter le déficit. D’abord, il entraîne nécessairement une augmentation proportionnée dans les frais de perception ; puis, chaque jour des besoins nouveaux ne se font-ils pas sentir ? En supposant que l’effectif de l’armée d’Afrique ne sera pas dépassé, le budget de cette possession se développe avec la colonisation civile, qui est encore dans l’enfance, et en même temps que les institutions qu’elle réclame. Renoncerez-vous au système pénitentiaire, au projet de loi sur l’instruction primaire, aux correspondances transatlantiques, à l’abolition de l’esclavage, à tous les progrès que le parti conservateur affirme désirer autant que l’opposition ? Il est dérisoire de prétendre rétablir l’équilibre par l’augmentation des recettes et la suspension de toutes nouvelles dépenses.

Rien de plus aisé encore que d’énoncer cette opinion : les travaux publics extraordinaires ne doivent pas dépasser le montant des réserves de l’amortissement ; aucun ouvrage nouveau ne sera entrepris avant la fin de 1854. Mais diminuer de moitié les travaux publics est un expédient difficile à pratiquer, de plus détestable, et n’entreprendre aucun travail nouveau est chose tout-à-fait impossible. Laisserez-vous sur tous les points du territoire des chemins de fer inachevés ? Après l’expérience douloureuse de l’année que nous venons de traverser, le chemin de Marseille à Lyon se terminera-t-il à Avignon ? Les chemins de Strasbourg et de l’ouest, dont l’importance politique différente a été signalée avec tant de raison, devront-ils attendre, pour être achevés, que l’accroissement des recettes ait rétabli l’équilibre du budget ordinaire et rendu disponibles les réserves de l’amortissement ? Oubliez-vous l’état