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avance prise sur le crédit, en un mot le papier de ce grand banquier qui s’appelle le trésor, et l’émission de ces bons ne saurait sans inconvéniens être étendue au-delà des limites des nécessités courantes ou imprévues ; la prodiguer, dans les temps de sécurité et de calme, de manière à rencontrer devant soi, aux jours de crise et d’embarras, des créanciers au lieu de prêteurs, est une imprudence encore aggravée par les conséquences de notre législation sur les réserves de l’amortissement de la rente 5 pour 100, sans parler de celle des caisses d’épargne. Aujourd’hui les réserves de l’amortissement sont employées à couvrir des dépenses habituelles, et elles suffisent à peine à éteindre les découverts du budget ordinaire. Que le 5 pour 100 tombe au-dessous du pair, il faudra ramener ces réserves à leur destination légale. Cette ressource nous manquerait au moment où les dépenses augmenteraient, où les revenus subiraient une diminution. Comment parer à ce danger, si la dette flottante est déjà surchargée et si le simple renouvellement des bons royaux est à lui seul une difficulté ? On le sait, la dette fondée, celle dont les intérêts seuls sont exigibles, une fois assise et classée, a pour unique inconvénient de grever plus ou moins les générations futures. La dette flottante, celle exigible en capital, si commode à contracter, si facile à dissimuler, qui se prête si bien à toutes les prodigalités, quand elle dépasse les limites raisonnables, est une entrave pour le gouvernement, une cause de perturbation toujours imminente dans les conditions générales du crédit. Qu’importe ? dit-on. Nous ne sommes pas bien exposés : si nous avons les bons du trésor, nous avons aussi le 3 pour 100 ; avec ces deux expédiens, l’état des finances ne doit inquiéter aucun ami du repos. La dette flottante trop chargée, on la fait dégorger dans le 3 pour 100 par le moyen d’un petit emprunt ; puis, lorsque la dette flottante sera de nouveau grossie, on fera un nouvel emprunt, et toujours ainsi. Cette théorie, on la pratique. Voyez où elle conduit.

Le déficit n’est pas fixe ; il progresse mois par mois, jour par jour. La dette flottante en aurait supporté tout le poids et atteindrait les proportions ci-dessus indiquées, si, dans la crainte de contracter l’emprunt à un taux trop bas, le ministre des finances en avait retardé la négociation. Dans cette situation à laquelle on veut aujourd’hui échapper, et qui nous menace toujours pour l’avenir, les affaires d’un pays sont nécessairement exposées à des éventualités contraires à sa grandeur et à sa sûreté.

La stagnation prolongée du crédit n’est pas le seul danger à craindre. Que le ministre soit un jour contraint d’élever à plus de 5 pour 100 l’intérêt des bons royaux, c’est un nouveau renchérissement de l’argent, une violente perturbation pour le commerce et l’industrie. Ce serait malheureusement une grande erreur de penser que l’adjudication de