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C’est chose commode d’attribuer le déficit à la mauvaise récolte, au hasard, à la fortune ; il y a ensuite une habileté non moins grande à accuser les chambres, le corps électoral et tout le monde. Certes, la responsabilité politique et morale du gouvernement ne serait pas affaiblie parce que les dépenses auraient été sanctionnées par les chambres ou sollicitées par elles. Lui-même ne les a-t-il pas toutes proposées ou acceptées ? Mais admettons cet argument, si peu constitutionnel qu’il puisse être. Pour apprécier la part réelle de chacun des pouvoirs publics dans l’excitation à la prodigalité, il est nécessaire d’établir une distinction essentielle entre les deux budgets ordinaire et extraordinaire. Sous le rapport du déficit actuel et du manque d’équilibre futur, ces deux budgets réagissent l’un sur l’autre ; si les réserves de l’amortissement sont employées à éteindre les découverts du budget ordinaire, elles ne peuvent servir de ressource au budget extraordinaire. Quand les travaux publics sont soldés au moyen d’un emprunt, en dette fondée ou en dette flottante, le budget ordinaire paie les intérêts, et, les travaux achevés, l’entretien tombe à sa charge. Financièrement, il n’existe qu’un budget, comme il n’y a qu’un trésor et qu’un déficit ; mais les deux budgets diffèrent à l’égard de la nature des dépenses auxquelles les allocations de leurs divers chapitres doivent subvenir.

Je ne crois pas que, depuis 1840, l’initiative des chambres ou des commissions ait accru le budget ordinaire de 25 millions, et la somme des réductions opérées dans l’enceinte législative pendant la même période monte à un chiffre triple ou quadruple de celui-là. Sans doute les commissions de finance auraient pu aller plus loin qu’elles ne l’ont fait ; je ne prétends pas les justifier, bien que la tâche d’opérer des retranchemens sur le budget soit ardue et n’ait rien de commun avec une opération de chiffres. Sur quoi faire porter les réductions, si ce n’est sur les grands services publics ? Comment ces réductions sont-elles possibles, utiles, sinon en vertu de changemens d’organisation ? Réduire d’une manière importante le chiffre du budget de l’état, c’est modifier dans plusieurs parties l’organisation des services publics. En l’absence d’enquêtes parlementaires, aucune grande économie ne saurait être réalisée sans le concours actif et volontaire du gouvernement. Quand les commissions se hasardent à donner des conseils d’exécution, elles ont bientôt lieu de s’en repentir. La réorganisation des administrations centrales, demandée dans une intention d’économie à la chambre des députés, a tiercé la dépense. Les essais de réforme dans l’administration de la marine, exigés par les commissions financières, aboutissent, jusqu’à présent, à une énorme augmentation du personnel bureaucratique. Une commission du budget peut-elle réduire l’effectif normal de l’armée, cet effectif est toujours dépassé par des crédits supplémentaires votés l’année précédente à la faveur de quelques circonstances