Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la recomposition de l’Académie des sciences morales une consécration définitive. Dans les questions purement morales comme dans celles qui touchent aux intérêts matériels, les économistes contemporains se sont presque toujours appuyés sur la statistique ; cette science, exclusivement consacrée dans l’origine aux calculs de la population et de la richesse des états, touche maintenant à toutes les études positives. Elle est représentée à l’Institut par une section spéciale, et dans la province même elle est cultivée par plusieurs sociétés. L’influence des professions sur la santé et la moralité, l’instruction publique, le commerce, l’alimentation des populations urbaines et rurales, l’agriculture, sont tour à tour l’objet de ses travaux. La statistique est descendue sans cesse du général au particulier, et, comme toutes les sciences que nous rencontrons sur la route du progrès, en s’étendant elle a été forcée de se spécialiser[1]. MM. Charles Dupin, Schnitzler, Jomard, Benoiston de Chateauneuf, Moreau de Jonnès, ont puissamment contribué aux progrès de la statistique ; mais les publications les plus importantes auxquelles elle a donné lieu émanent du gouvernement. On doit citer en première ligne les Rapports sur l’administration de la justice criminelle, civile et commerciale, les Archives statistiques du ministère des travaux publics, de l’Agriculture et du Commerce, les Comptes-rendus annuels de l’administration des mines sur les travaux métallurgiques de la France, les Tableaux du commerce extérieur publiés par l’administration des douanes. Les conseils-généraux, comme les ministères, s’occupent de faire dresser, sous le titre d’Annuaires, des statistiques destinées à reproduire les faits qui intéressent les départemens. Il est à regretter que de nombreuses erreurs se soient glissées et se glissent tous les jours dans les documens de cette nature, et surtout que ces erreurs tiennent à l’ignorance et à la légèreté. On voit figurer, par exemple, dans les statistiques commerciales, des produits exotiques qui ne sont point cotés dans le tableau des importations, et l’on trouve, dans une statistique agricole, un taureau pour 30,000 vaches à lait. Si nos statistiques étaient mieux faites, mieux étudiées, si les documens partiels étaient recueillis par des hommes plus compétens et plus pénétrés de l’importance de leurs devoirs, l’administration supérieure, mieux renseignée à son tour sur les faits, n’aurait point à regretter, comme en 1846, à propos de l’approvisionnement du territoire et des produits de la récolte, des affirmations faites de bonne foi et cruellement démenties par les faits à quelques mois de distance. Quoi qu’il en soit de ces erreurs, d’immenses matériaux ont été recueillis depuis vingt ans, et il semble que le temps soit venu de réunir, en les complétant, ceux que nous avons acquis, de les rassembler quand ils sont

  1. Nous indiquerons, comme spécimen des travaux spéciaux auxquels se sont livrés les statisticiens, les recherches de M. de Montferrand sur la longévité des académiciens. Il résulte de ces recherches que les membres de l’Académie dans le XVIIIe siècle avaient moyennement trente-cinq ans de vie probable, tandis qu’aujourd’hui la moyenne de leur âge est de soixante-neuf ans.