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contre-coup de la détresse ; le gouvernement a dû doubler l’intérêt des bills de l’échiquier, augmentant ainsi les charges annuelles du trésor de 400,000 livres sterling (10 millions) représentant un capital de 8 millions sterling (200 millions) ; cette mesure était nécessaire cependant, car, de l’aveu du chancelier de l’échiquier sir Charles Wood, exprimé en pleine chambre des communes, les bills trouvaient difficilement des acheteurs. En contractant l’emprunt destiné à subvenir aux besoins de l’Irlande, on a été heureux de livrer du 3 pour 100 à 88, au lieu de le vendre au pair, comme on l’aurait pu un an plus tôt.

C’est vers la fin d’avril et le commencement de mai que la crise a sévi avec le plus de rigueur. Inquiétée par l’écoulement de ses espèces, se voyant exposée à rompre la balance de sa réserve métallique et de son droit d’émission, la banque refusa d’escompter des billets venant des maisons les plus solides. C’est là, sans contredit, le trait le plus alarmant du tableau. On ne sait pas si de pareils refus, en se répétant, n’eussent pas équivalu à la suspension même des paiemens en numéraire. Heureusement, quand on vit les récoltes s’annoncer sous de favorables auspices, on reprit un peu de confiance ; les affaires devinrent moins difficiles. Si des embarras nouveaux se sont reproduits avec une certaine recrudescence depuis la fin de juillet, il ne faudrait pas confondre une gêne monétaire, simple contre-coup d’événemens antérieurs, avec une détresse comme celle du mois d’avril. Les faillites récentes qui, en affligeant le commerce des céréales et des denrées coloniales, ont entraîné la chute de plusieurs maisons d’escompte, font pressentir la fin et non la continuation de la crise. L’abaissement des prix à un taux normal devait amener la ruine des spéculateurs qui, comptant sur le maintien des cours, avaient donné des ordres pour de larges approvisionnemens. Liquider les dépenses faites ou les engagemens pris, c’était une nécessité absolue pour l’Angleterre au moment où la situation commençait à se détendre. De là les derniers tiraillemens de la circulation ; de là des désastres individuels, seul moyen de rétablir la balance du commerce. Mentionnons encore, au moins comme un trait de mœurs, une autre cause assignée à la gêne du mois d’août : les frais occasionnés par les dernières élections générales. Heureux ou malheureux, les candidats avaient dû retirer des mains de leur banquier ou réaliser d’une autre manière de fortes sommes pour subvenir à une lutte coûteuse. Cette cause très secondaire de la souffrance n’était pas destinée à exercer une action durable, et le nivellement, sous ce rapport, a déjà dû s’opérer.

Dès la fin de juillet dernier, le commerce anglais avait pu regarder l’avenir avec plus de confiance. On était certain de n’avoir pas à demander au dehors un vaste supplément de blé. S’il n’était pas permis d’espérer encore le retour prochain des anciennes facilités monétaires, on pouvait du moins prévoir que la banque serait bientôt contrainte de réduire, comme elle l’a fait au commencement de septembre avec une prudence très méticuleuse, les conditions excessives de son escompte. Ce qui préoccupait visiblement les esprits, ce n’était point une compression (pressure) passagère, mais la forte secousse qui avait ébranlé le crédit dans les premiers mois de cette année, à un moment où l’état du commerce était sain et la réserve de la banque très considérable. Comment, au milieu d’une situation aussi satisfaisante, l’industrie nationale avait-elle pu se trouver aux abois ? On recherchait avec inquiétude quelles avaient pu être les causes réelles d’une détresse si inattendue. Ces causes, nous les avons indiquées