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pour n’avoir pas remarqué que la crise de 1847, moins féconde, du moins jusqu’à ce jour, en désastres individuels que certaines commotions antérieures, touchait de plus près aux élémens constitutifs du crédit. Cette pensée, tantôt claire et tantôt un peu confuse, se rencontre, en dernière analyse, dans tous les documens et toutes les publications que les circonstances actuelles ont fait surgir ; c’est à elle qu’on est ramené sans cesse quand on discute les principes que le bill de 1844 croyait avoir assurés pour long-temps, et sur lesquels sera probablement appelé à se prononcer le parlement nouveau, dont les tendances en cette matière sont encore inconnues.

Placés dans une situation analogue sous plus d’un rapport à celle de l’Angleterre, nous avons intérêt à connaître et à discuter, d’après les dernières recherches et les dernières observations, le propre jugement des Anglais sur l’état de leurs finances et sur cette doctrine de l’isolement qui règne encore en Europe, malgré les maux qu’elle a causés, dans le régime des institutions de crédit. Provoquée par des circonstances fortuites, la détresse dont le contre-coup se fait encore sentir a eu ses raisons déterminantes dans l’application de cette funeste théorie. L’histoire des crises qui ont précédé, de l’autre côté du détroit, celle de 1847 ne nous laissera aucun doute sur la pernicieuse influencé du principe de l’isolement financier ; elle nous montrera en même temps par quels moyens plus en harmonie avec les nouvelles tendances économiques une grande nation peut prévenir quelquefois et toujours atténuer les déplorables effets des secousses financières.


I.

S’il existe une relation intime et des traits frappans de ressemblance entre les crises qui ont depuis un demi-siècle éprouvé le crédit anglais, il ne serait pas exact de les attribuer toutes, comme on a quelquefois essayé de le faire, à une cause uniforme. Tantôt on doit s’en prendre à de fausses combinaisons de la part du gouvernement, tantôt aux dépenses qu’exigent, aux inquiétudes que suscitent des guerres continentales ou maritimes ; tantôt l’industrie paie le prix de ses propres égaremens, de ses spéculations désordonnées. Il y a des cas où la banque d’Angleterre et les autres établissemens qui émettent de la monnaie de papier concourent à produire le malaise par des émissions irréfléchies ou par une brusque et trop sévère restriction ; d’autres fois, le commerce britannique ressent le contre-coup du désordre financier d’un peuple avec lequel il entretient des relations étendues. La détresse peut aussi provenir d’une calamité publique placée au-dessus de la main des hommes, d’une mauvaise récolte par exemple, qui diminue subitement la richesse nationale au moment même où s’imposent des dépenses extraordinaires. Quelquefois enfin ces causes diverses, en se confondant, rendent la situation plus complexe et plus douloureuse.

L’ère des grandes crises du crédit, qui se sont multipliées en Angleterre à mesure que les intérêts industriels y ont pris leur prodigieux essor, pourrait être fixée à la guerre de l’indépendance des colonies de l’Amérique septentrionale. C’est depuis cette époque surtout qu’on suit avec un intérêt réelles oscillations des finances anglaises, et qu’on peut étudier avec fruit les moyens à l’aide desquels ont été combattues les maladies financières. A la fin de la guerre